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Numéro 193 - novembre 2005
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Nous sommes tellement habitués aux miracles dans la Bible que nous en voyons parfois là où il n’y en a pas. Mais alors, s’il n’y en a pas, il faut faire une autre lecture du texte.

Vous avez dit miracle ?

Certains chrétiens croient aux miracles bibliques ; d’autres y voient plutôt une forme littéraire, un moyen d’expression très répandu dans toutes les cultures. Aujourd’hui encore, le fantastique envahit les livres, films et B.D. destinés aux jeunes et aux moins jeunes. Les miracles ne sont donc pas que de l’histoire ancienne. La vraie question n’est donc pas la réalité du miracle, son historicité, mais le sens qu’il porte avec lui. Si Jésus marche sur les eaux, ce n’est pas par magie, mais pour signifier, par des mots simples, son pouvoir sur les forces du mal, symbolisées par les eaux profondes. Le miracle fait éclater la réalité matérielle pour exprimer des réalités spirituelles, et aussi il aide à transmettre. Car on raconte et retient plus facilement une histoire un peu extraordinaire.

Ceci dit, certains commentaires bibliques voient des miracles là où il n’y en a pas. Ils peuvent alors ne pas voir certains sens du texte liés au fait que, justement, il n’y a pas de miracle.

Prenons comme exemple les quatre récits de la première multiplication des pains (Mt 14,13-21 ; Mc 6,31-44 ; Lc 9,10-17 ; Jn 6,1-14). Les commentaires voient généralement dans cette belle histoire un miracle puisqu’avec cinq pains et deux poissons, Jésus a pu rassasier cinq mille d’hommes. Ceux qui croient au miracle vont insister sur la puissance de Jésus qui ne peut s’expliquer que parce qu’il est Dieu lui-même. Ceux qui voient un miracle plus littéraire qu’historique vont insister sur ce Jésus qui nourrit spirituellement tout son peuple par l’intermédiaire des disciples ; ou sur la nécessité de rassasier tous les affamés de la terre, ce qui est fort louable.

Mais justement, dans aucun de ces quatre récits, le miracle n’est explicite, ni évident. On sait seulement que Jésus fit distribuer les cinq pains et les deux poissons, que tous furent rassasiés et qu’il resta douze corbeilles pleines. Certains rares commentateurs en ont déduit que de nombreuses personnes dans la foule avaient tout naturellement des provisions de bouche avec elles, comme les disciples, les sortirent et les partagèrent avec les autres, après que les disciples eurent commencé à distribuer leurs quelques pains et poissons. Repas tiré des sacs, en quelque sorte ! Mettons-nous dans cette hypothèse, plausible, sans être certaine, et voyons comment se déplace le sens de l’histoire. Ce faisant, nous ne voulons pas insinuer que ce repas tiré des sacs a eu réellement lieu, mais que l’histoire a pu se forger à partir de cette idée.

L’important n’est alors plus de croire qu’avec ce que nous possédons nous allons subvenir, Dieu aidant, aux besoins du monde ou de penser que notre petite Église va pouvoir nourrir spirituellement toute la terre ; mais plutôt de donner le signal du partage pour que tous, spontanément, fassent ensuite de même. Construire une société solidaire, une société où chacun participe comme il peut et sort ce qu’il a sous le manteau pour le mettre dans le panier de la communauté. Voilà ce à quoi nous invite Jésus par cette histoire. Bien souvent nous sommes comme les disciples, à repousser la foule, parce que nous sommes découragés par l’ampleur des manques, par le peu que nous pouvons consacrer aux autres. Et nous avons bien envie de renvoyer tout le monde chez soi. Mais nous manquons de foi, de confiance en l’homme, c’est-à-dire en Dieu. Nous ne savons pas assez que l’exemple même du partage entraînera d’autres partages, d’autres solidarités.

Les douze corbeilles pleines, rapportées à la fin du repas rappellent trop les douze disciples pour qu’il puisse s’agir d’un simple hasard des chiffres. L’ironie de l’histoire est donc que la foule, n’ayant apparemment rien à manger, offre une corbeille pleine à chaque disciple. De la pénurie initiale sort l’abondance, grâce à la solidarité des hommes. Il nous faut toujours compter sur cette solidarité. Voici le miracle : les disciples ont reçu beaucoup plus que ce qu’ils ne voulaient pas donner. feuille

Henri Persoz

 

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