Traduire la Bible dans
une langue accessible à tous, comme le fit Luther à partir
de 1521, fut à bien des égards un geste révolutionnaire.
Le clergé se trouva en effet dépossédé d’un
pouvoir et d’un privilège : celui d’une lecture et
d’une interprétation exclusives des Écritures. L’autorité
de la Bible ne dépendra plus dorénavant des… autorités
religieuses. « Tout protestant fut pape une Bible à la
main. » Cet alexandrin de Boileau est souvent cité pour
railler une lecture aussi indépendante. Mais la formule est juste
: le simple fidèle n’a pas moins de pouvoir dans sa compréhension
et son interprétation des Écritures, que le pape. L’un
et l’autre peuvent se tromper ou être éclairés
par Dieu dans cette pratique.
La réalité du sacerdoce universel, principalement
illustrée et vécue à travers cette lecture personnelle
de la Bible, a conforté dans la vie des Églises, puis
dans celle de la société civile et politique, l’idée
moderne de la démocratie. L’appropriation de la Bible offerte
à chacune et à chacun en avait été le ferment
et le levain. Son étude, avec la reconnaissance des théologies
très diverses qui marquent les Écritures et avec l’acceptation
de l’éventail très riche des interprétations
possibles, suscite toujours à nouveau une parole libre et responsable.
Puissent les protestants qui, trop souvent, désertent les «
études bibliques » en retrouver toute la saveur subversive
! La faim, presque gourmande, des catholiques romains aujourd’hui
pour ce partage-là du pain de la Parole n’est-elle pas plus
que le bonheur d’une découverte, une invitation adressée
à tous les chrétiens à vivre la démocratie
dans leurs Églises ? Espoir fou du blé qui lève
! 
Laurent
Gagnebin