J’espérais pouvoir apporter un peu de chaleur
et d’amitié à ceux qui sont derrière les barreaux,
notamment, puisque je parle un peu l’anglais, aux étrangers
anglophones.
De quels outils dispose le visiteur ? Essentiellement
de l’écoute et de la parole
Le visiteur peut apporter des informations sur la vie carcérale,
des renseignements juridiques, aider à rédiger des lettres,
effectuer quelques démarches auprès du travailleur social,
de l’avocat, de la famille.
Il peut aussi apporter son aide sous forme de soutien scolaire :
apprentissage de la lecture à un illettré, préparation
au brevet, amélioration de la connaissance de la langue française
avec les étrangers.
La visite permet au détenu d’être reconnu comme
une personne, pas uniquement identifiée par son délit,
mais qui parle et réfléchit. Les conversations sont
d’autant plus intéressantes que le détenu jouit
d’un certain niveau intellectuel, et d’une certaine curiosité.
Les sujets abordés vont de l’actualité, la politique,
les émissions de télévision, la littérature
et la philosophie, jusqu’à la religion parfois. Le visiteur
n’est pas un aumônier et doit s’abstenir de tout prosélytisme.
Mais si le détenu aborde de lui-même des problèmes
religieux, éthiques, ou pose des questions au visiteur sur
ses convictions, rien n’empêche alors de parler de la Bible,
du protestantisme, du pardon, du sens de la vie.
Je ne ressors pas indemne de la prison. Les questionnements m’envahissent
Pourquoi autant d’injustice entre ma situation de privilégiée,
née dans un pays riche, vivant une existence facile dans une
famille unie et aimante, et ce jeune Français qui a connu une
enfance de galère, ou cet étranger qui a fui son pays
dans lequel règnent la misère et la corruption, et refuse
d’y retourner ? C’est alors que me revient à l’esprit
la notion, chère à Albert Schweitzer, de la dette dont
les privilégiés sont redevables envers les exclus.
Comment ce détenu intelligent, qui a conscience du bien et
du mal, a-t-il pu aller jusqu’au crime ?
Comment ces hommes vont-ils se réinsérer à
leur sortie, après des mois, parfois des années de détention
? Où iront-ils ? Que feront-ils ? Quelles seront leurs ressources
?
Ces questions sont particulièrement cruciales pour les détenus
étrangers, en situation irrégulière au moment
de leur incarcération. S’ils ne sont pas Interdits du
Territoire Français et refusent de retourner dans leur pays,
ils n’auront pas d’autre solution que le retour à
la clandestinité, avec le risque de commettre de nouveaux délits
pour survivre. Est-ce acceptable ?
Malgré la tristesse de la détention, et cette inquiétude
quant à la sortie, l’activité de visiteuse est
pour moi source de découvertes, de partages, de joies. Il ne
faut surtout pas la pratiquer dans l’isolement ; les contacts
avec d’autres visiteurs sont essentiels, pour la formation, l’information,
et l’amitié qui aide à supporter des moments parfois
difficiles. 