Au cours des cultes,
qu’il s’agisse des confessions de foi, des textes liturgiques
ou de la prédication, j’évite l’usage du mot
« tout-puissant », parce qu’il constitue un contresens
néfaste.
Je considère l’acte divin de la création
non comme un acte de toute puissance, mais comme le retrait et l’autolimitation
de la puissance divine pour faire place au déploiement de l’univers.
En outre, ce mot traduit mal certains termes bibliques dans les langues
d’origine. Ainsi, par exemple, le latin omnipotens (tout-puissant)
ne semble pas traduire correctement le grec pantocrator ; on aurait
mieux fait de conserver l’antique traduction (omnitenens), à
savoir celui qui tient, qui maintient tout, qui garde l’univers
dans ses mains, desquelles rien n’échappe.
Il est préférable de libérer Dieu
du masque de la toute-puissance. Nous prêtons à Dieu ce
que nous n’avons pas. Cessons donc de projeter sur lui l’image
de notre rêve insensé de toute-puissance personnelle. La
puissance en question, c’est une puissance d’effacement, en
sorte que le Seigneur du monde devient le serviteur de tous. Ainsi depuis
le sein de Marie jusqu’au bois de la croix, le total dépouillement
du Maître révèle que si Dieu est immensément
grand, sa grandeur se déploie en amour jusqu’à l’effacement
de soi. Au plus profond de sa gloire, il est éternellement serviteur.
Mais faut-il se complaire dans l’affaiblissement
? Certainement pas ; l’idée de puissance divine nous tend
vers l’avenir. L’auteur de l’Apocalypse déclare
que celui qui est est aussi celui qui vient. Il tient toutes choses
entre ses mains, même en dépit des forces du mal, de la
souffrance et de la mort. Ce dynamisme victorieux se révélera
à tous au bout de nos histoires et à l’horizon des
temps. 
Bernard
Guiéry