Cache ta prière,
c’est le secret de l’âme !
La prière met en récit l’intime de
nos vies. Elle porte au langage, parfois à notre insu, nos désirs,
nos rêves et nos troubles ; elle témoigne des ambiguïtés,
des tensions et des contradictions qui bien souvent nous assaillent.
« Quand tu veux prier, entre dans ta chambre la
plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière
à ton Père qui est là dans le secret (Mt 6,6) ».
Le propos de Jésus préserve l’intimité de
chacun et laisse indirectement entendre l’impudeur qui menace toujours
nos prières publiques.
La prière est un récit de soi traversé
par une dynamique créatrice.
La prière naît souvent du désir d’un
autrement, aspire à une nouveauté et rêve d’un
autre monde.
Elle vise ainsi à surmonter les tensions et les
paralysies de notre existence et oppose à celles-ci, de manière
tenace et combative, un désir de vivre, une quête insatiable
de consolation et d’épanouissement.
Si nous savons que le contenu d’une demande ne sera
pas forcément exaucé, rien ne nous empêche de croire
et d’espérer que nos vies sont, grâce à la
prière, prises en charge et portées par un souffle créateur.
En nous racontant, la prière nous livre devant
Dieu et fait de lui le dépositaire de la vérité
secrète et ultime de chacun. Si nous ne croyons pas que Dieu
peut supprimer les conditions de notre finitude, nous pouvons croire
que son action créatrice vise à surmonter ces mêmes
conditions.
Prier, dans cette perspective, c’est demander à
Dieu de conduire une situation donnée vers une harmonie plus
grande, c’est faire remonter en soi l’impérieux désir
de la vie, c’est lutter pour transformer des situations d’aliénation
en source de créativité.
Prier, c’est combattre, avec Dieu, pour un monde
meilleur.
C’est exaucer le rêve de Dieu pour l’humanité.

Raphaël
Picon