Le 7 février 1723 est une
date curieuse dans lhistoire des cantates de Bach. En effet, daprès
les recherches actuelles, il y a deux cantates qui semblent avoir été
composées pour le même jour. Cela en fait une de trop !
En fait, cette date était celle où Bach devait concourir
en vue de lobtention du poste de Cantor à Leipzig, et donc
donner une cantate de sa composition. Pour cela, il avait préparé
une cantate qui nous est parvenue sous le numéro 23. Cette cantate
est une pure merveille, cest une petite cantate toute faite de
finesse, dintériorité, doriginalité.
Elle ne cherche pas les effets faciles, pas de grand chur dentrée,
une instrumentation simple, une forme réduite au minimum avec
juste trois numéros : un duo Soprano Alto, puis un récitatif
et un chur. Difficile de faire moins dans la forme, et de faire
plus complexe musicalement. La pureté, le dépouillement
et la profondeur à létat pur.
L'église saint Thomas de Leipzig Photo D.R.
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Mais avant lui, parmi les autres candidats, un nommé Graupner
avait donné une cantate qui avait enthousiasmé le Conseil
municipal. Bach connaissait bien Graupner, et aussi le style de ses
uvres dont on comprend, avec le recul, quelles naient
pas laissé une grande trace dans lhistoire ! Bach saisit
quil na aucune chance de plaire avec sa cantate dont les
subtiles complexités et lanticonformisme ont toute chance
de ne pouvoir être compris par le jury. Il en compose alors rapidement
une autre, pour plaire, dans le but de réussir son concours et
donc de séduire le jury. Cette cantate nous est aussi parvenue,
elle porte le numéro 22 (elles ont été numérotées
à lenvers...). On ne peut pas dire que cette dernière
cantate soit vilaine, mais elle est beaucoup moins originale et intéressante
que lautre. Elle répond aux critères formels et
classiques que désirait la bourgeoisie. Elle a, comme il le fallait
normalement, un chur dentrée et un choral final avec
airs et récitatifs entre les deux. Elle comporte enfin les 5
numéros minimums, et surtout elle est beaucoup plus facile daccès.
Il y a bien dans le numéro dentrée une utilisation
contrapuntique du chur dassez bel effet, mais celle-ci est
assez élémentaire pour être facilement compréhensible.
Ensuite deux airs simples, suffisamment dansants pour plaire, séparés
par un récitatif plein deffets évidents et de clichés.
Bref, tout cela nest pas de la plus haute volée.
Cette cantate a eu le plus grand succès, Bach ne sy était
pas trompé.
Cela montre que Bach savait très bien faire de la musique pour
plaire quand il le voulait. Aujourdhui, nous mettons sa musique
très loin au-dessus de celle de ses contemporains, mais on sait
quil na pas eu de son temps le succès quil
aurait mérité. Or cest certainement parce que Bach
na jamais cherché la gloire personnelle quil a pu
nous laisser une musique aussi extraordinaire, transcendante. Nous voyons
là que Bach aurait pu avoir ce succès que dautres
avaient ; il savait très bien comment faire pour être apprécié.
Mais heureusement pour nous, il a toujours voulu faire le meilleur,
même sil risquait alors dêtre incompris.
Lexplication, on la trouve au bas de la plupart de ses uvres,
il y ajoutait les trois lettres : S.D.G. ce qui veut dire Soli Deo Gloria
: « À Dieu seul la gloire ». Bach ne composait pas
pour plaire aux hommes, mais pour plaire à Dieu. Il ne cherchait
pas la gloire humaine, mais toute son uvre était offerte
à Dieu, pour Dieu et cest pour ça quil a fait
le meilleur, par grâce. Cest lune des plus belles
illustrations de la mentalité protestante.
Louis
Pernot