L’église
invisible. Sa réalité ne doit pas nous conduire à
discréditer, dans le christianisme, tout ce qui appartient à
l’ordre de la visibilité : temples et cultes, rites et symboles,
par exemple. L’amour du prochain, dans ses manifestations à
la fois concrètes et discrètes, ne donne-t-il pas d’ailleurs
à cette visibilité des Églises sa véritable
expression ? Les fruits de la foi, même inconnus, ne sont pas
invisibles. Cela dit, nous n’avons pas le monopole de la charité
« chrétienne » sur la terre. Dire cela, c’est
déjà accepter une dimension de l’Église qui
dépasse les institutions ecclésiales et leurs délimitations
sociologiques et théologiques pauvrement humaines.
Postuler une Église invisible, c’est admettre
notre incapacité à opérer, au nom de confessions
de foi toujours approximatives et fragiles, une séparation entre
les vrais croyants et de prétendus infidèles. Un tel tri
est heureusement impossible ; il ne serait finalement qu’une discrimination
de plus sur cette terre. Dieu seul sonde les cœurs. On ne peut
ni ne doit, par conséquent, circonscrire l’Église.
On voit des Églises, mais on ne saurait dire où l’Église
n’est pas. Il nous faut œuvrer à un universalisme religieux
qui transcende les frontières ecclésiales : nous reconnaissons
une seule Église, universelle et connue de Dieu seul.
Postuler la réalité de l’Église
invisible sauvegarde une tolérance généreuse entre
les hommes et les religions ; elle préserve notre liberté
spirituelle. Mais, plus profondément, la notion de l’Église
invisible reconnaît et garantit la liberté de Dieu qui
se révèle où il veut, quand il veut et à
qui il veut. Dieu n’est pas prisonnier des confessions chrétiennes.
L’Église invisible, c’est l’Esprit de Pentecôte
: « Il souffle où il veut » (Jn 3,8). 
Laurent
Gagnebin