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Numéro 200 - Juin 2006
( sommaire )

Combattre

Depuis plusieurs années on assiste à des drames associés à des violences à la fois « ordinaires » et terrifiantes. Florence Taubmann, pasteur à l’Oratoire du Louvre, donne des pistes de réflexion sur ces atrocités : simples faits divers ou signes de barbarie ?

Faits divers ou signes des temps ?

Que peut-on penser de l’étalage médiatique quotidien de tous ces faits divers qui mettent en scène une violence aussi bien ordinaire que terrifiante ? Agressions, destruction de biens publics ou privés, viols de jeunes filles, histoires de pédophilie, attaques crapuleuses de personnes âgées, violences au sein de l’école, meurtres… Certes ces mots font mal quand on les écrit, mais journaux et informations télévisées nous les lancent sans cesse à la vue et à l’esprit.

Qu’en déduire ? Une parole de sage nous invitera peut-être à considérer l’histoire, le passé, afin de montrer que notre époque n’est pas pire qu’une autre en matière de violence et qu’il faut se méfier de l’effet aggravant de la télévision. Alors un regard candide nous poussera avec d’autres à déplorer qu’au XXIe siècle, dans une société comme la nôtre, on en soit toujours là, comme si les progrès de l’humain devaient forcément s’harmoniser aux progrès des sciences et techniques. Mais l’esprit prophétique, que nous dit-il ? Si l’on se réfère à la Bible, on se souviendra que l’esprit qui anime les prophètes ne les pousse pas à l’optimisme, même si, au-delà des catastrophes, ils déploient finalement un horizon d’espérance. Mais dans les maux qui ravagent leur société et leur monde, ce que pointent les prophètes est toujours une violence première, liée à l’idolâtrie, c’est-à-dire à l’oubli de Dieu et de sa Parole structurante, et à son remplacement par une image morte et des valeurs de mort. Cela donne concrètement le mépris et l’écrasement du faible par le fort, l’injustice promulguée en état de fait, le développement de la pornographie, la décadence puis la catastrophe politique, la tuerie, parfois le cannibalisme, et donc le retour au chaos, à la barbarie. Certes il n’y a pas de quoi rire quand on lit les prophètes bibliques ! Et c’est bien qu’ils soient bibliques, car on peut à la limite les taxer d’exagération, ou les renvoyer à leur contexte pour atténuer ce qu’ils nous disent.

Pourtant leur vision propose des mots pour dire le mal-être, les dangers, la violence de notre temps. Ainsi l’atrocité d’un meurtre commis au mois de février par un certain « gang des barbares » sur le jeune homme Ilan Halimi peut sortir du fait divers pour devenir emblématique d’un danger terrifiant qui guette notre société : la fascination de la barbarie. « Les conditions d’éducation actuelles de certains enfants façonnent des psychologies de prédateur, écrit le psychanalyste Boris Cyrulnik. Car on assiste à un arrêt du développement de l’empathie dans les situations de pléthore matérielle associée à une carence humaine. Alors l’autre n’est conçu que comme un objet à traquer. Quand ce fonctionnement mental prévaut entre des êtres humains, ce qui est décisif, c’est qu’à aucun moment l’individu “prédateur” ne se représente la souffrance qu’il inflige à sa proie. Dans l’esprit d’un prédateur il n’y a jamais de crime. »

Si le mal-être qui ronge notre société a des causes sociales, économiques et politiques, il est aussi mental. Dans la riche panoplie de nos conditions de vie, certaines sont mortifères : elles provoquent une dislocation du sens de l’humain, elles favorisent une régression à cette violence première qui génère des violences tous azimuts. Et si le sage nous rappelle que la violence a toujours existé, l’esprit prophétique nous alerte sur la spécificité des graves temps de crise : avec l’idolâtrie c’est la disparition du sentiment de honte : honte du mal commis, honte des exhibitions intimes, honte de la corruption, honte de l’innocence profanée, honte d’avoir entrevu la barbarie non seulement œuvrer, mais jouir de sa force.

La masse des faits divers dont nous sommes abreuvés et la complaisance boulimique de leur mise en scène ne sont qu’un aspect de cet effacement de la honte. Y voir un signe des temps peut nous aider à réagir. Actualiser les mots des prophètes peut nous réapprendre à rougir, tout simplement… devant le honteux, le scandaleux, l’ignominieux ! Mieux encore que toutes les indignations, l’afflux du sang à son front exprime que l’humain veut garder, ou retrouver, le sens de sa dignité. feuille

Florence Taubmann

 

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