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Numéro 201
Août-Septembre 2006
( sommaire )

Dialoguer

Brenda Abrarest bahá’ie et elle vit à Nice depuis plus de 20 ans. Fondé en 1844 en Perse par le prince Bahá’u’llah, le bahá’isme confesse un seul Dieu, qui se révèle à travers les diverses religions et qui appelle tous les peuples à s’unir en une société mondiale et pacifique. Il compte aujourd’hui plus de 5 millions de fidèles répartis en 235 pays et ses textes fondateurs sont traduits en 802 langues. En Iran, ils sont 350 000, en France 5 000. Brenda Abrarest est interviewée ici par le pasteur Florence Taubmann.

Un Dieu universel pour une société pacifique
entretien avec Brenda Abrar

Florence Taubmann : Le bahá’isme est d’actualité. Les dangers qui menacent les bahá’is d’Iran ont fait l’objet d’une déclaration de l’ONU au mois de mars. Que se passe-t-il exactement ?

Brenda Abrar : Le bahá’isme est persécuté depuis sa naissance… et de manière systématique depuis la révolution islamiste de 1979. Mais depuis l’élection d’Ahmadinedjad on note une intensification : articles de diffamation, recensement et fichage

F.T. : N’en va-t-il pas de même pour les autres minorités religieuses en Iran ?

B.A. : Non, contrairement à la foi bahá’ie, les trois autres minorités religieuses sont reconnues par la Constitution iranienne, et même la République islamique n’a pas remis cela en cause. Il s’agit du Judaïsme, implanté depuis l’antiquité, des zoroastriens qui représentent l’ancienne religion perse de Zarathoustra, et des chrétiens. À eux trois, ils sont beaucoup moins nombreux que les bahá’is, et s’ils souffrent de discrimination, leur sort n’est pas aussi menacé.

F.T. : Comment cela s’explique-t-il ?

B.A. : Judaïsme, zoroastrisme et christianisme sont antérieurs à l’Islam et leurs communautés, très anciennes, sont acceptées. En revanche, le bahá’isme est né après l’Islam en réaction à la décadence de la société persane du XIXe siècle : les abus de pouvoir du clergé, les injustices, mais aussi les effets pervers de la doctrine du taghieh. Cette doctrine justifie la dissimulation dans un contexte de persécution, et elle a généré dans le shi’isme iranien une véritable culture du secret et du double langage. Au contraire, Bahá’u’llah, fondateur du bahá’isme, a instauré une morale de la transparence, une foi sans clergé, la liberté de la conscience personnelle et l’égalité entre l’homme et la femme…

F.T. : On peut comprendre qu’un pouvoir théocratique se sente menacé dans son essence par ce qui apparaît comme vraiment « révolutionnaire » sur le plan religieux et culturel. Mais y a-t-il une contestation d’ordre politique chez les bahá’is ?

B.A. : Non. Les bahá’is font preuve d’un grand loyalisme politique, la limite étant toute atteinte à la liberté de conscience. Ce qui rend leur existence difficile en Iran, c’est que la Constitution islamique est fondée sur la velayata-faghih, c’est-à-dire l’autorité spirituelle. Seule la loi divine légitime et l’autorité spirituelle et l’autorité temporelle. Il n’y a place ni pour une autonomie, même interne, du politique, ni pour la liberté de la conscience personnelle, sauf dans la dissimulation. Et c’est ce que refusent les bahá’is.

F.T. : Mais qui sont-ils et où vivent-ils en Iran ?

B.A. : Ce sont des Iraniens comme les autres, des Persans, des Kurdes, des Azeris, des Arabes… d’origine juive, zoroastrienne, chrétienne comme d’origine musulmane. Ils n’ont ni revendication ethnique ni revendication territoriale, seulement la liberté de conscience.

F.T. : Comment le bahá’isme s’organise-t-il sur le plan religieux ?

B.A. : Il n’y a pas de chef, pas de clergé, mais une organisation sociale très développée. La hiérarchie est collégiale, et l’autorité s’exerce sous forme de conseils élus. Pour tous les bahá’is du monde des élections ont lieu chaque année à l’échelon local et national. Et au niveau international c’est tous les 5 ans. Ces conseils sont formés de 9 personnes, choisies par l’assemblée pour leurs qualités humaines et spirituelles. Mais les conseils n’ont pas d’autorité spirituelle sur les membres, leur charge consiste à gérer les affaires de chaque communauté.

F.T. : Et comment se vit la spiritualité communau--taire ? Avez-vous des cultes ?

B.A. : Les communautés ne sont pas des Églises. Et les assemblées ressemblent plutôt à des réunions familières qu’à des assemblées cultuelles. Le bahá’isme met l’accent sur la prière et l’édification personnelles. La communauté se réunit chaque mois, sachant que le calendrier bahá’i connaît sur l’année 19 mois de 19 jours et que le nouvel an est le 21 mars. Au cours de chaque réunion se succèdent trois moments : d’abord la lecture des écrits saints qui peuvent être aussi bien la Bible, le Coran, la Bhagavad Gîta ou des textes mazdéens, et qui sont accompagnés de prières, puis une partie administrative qui traite des problèmes de la communauté, des projets… tout cela donnant lieu à un débat et à un vote, et enfin la partie sociale qui consiste à manger ensemble… Des grandes lignes spirituelles sont proposées par le niveau international, depuis le centre du bahá’isme qui se situe à Haïfa, en Israël – où est le tombeau de Bahá’u’llah. Et actuellement ces grandes lignes visent la transformation personnelle de l’individu, son approfondissement spirituel. Dans ce sens nous sommes encouragés à développer les cours pour les enfants, et à les ouvrir à tout le monde…

F.T. Le bahá’isme fait donc du prosélytisme ?

B.A. : Non, car toutes les religions sont respectées et encouragées dans ce qu’elles ont de meilleur et qui va dans le sens de l’unité du genre humain et de la paix sur terre. Mais c’est vrai qu’il y a une éducation bahá’ie et un témoignage dans le monde. La foi n’est pas seulement un sentiment personnel ne concernant que soi.

F.T. : Sur le plan religieux peut-on parler de syncrétisme ?

B.A. : Une conviction bahá’ie est que Dieu est en dialogue infini avec les humains, et qu’il se révèle à l’humanité de manière progressive. Donc aucune vision exclusive de la vérité n’est possible… La foi bahá’ie est encore dans l’enfance : 163 ans d’existence seulement. À l’aune du temps des religions et des civilisations, c’est peu... Un syncrétisme, c’est une fabrication humaine : aussi belle qu’elle soit, il n’y a pas de souffle de vie en elle. Peut-on dire cela de la foi bahá’ie ? Les bahá’is ne le croient pas et la résistance des bahá’is d’Iran en témoigne à mon avis. Mais, seule l’histoire pourra le confirmer...

F.T. : S’agit-il de relativisme ?

B.A. : Je préfère employer le mot relativité, relativité de la vérité religieuse, car le relativisme actuel semble aplatir les valeurs. Or la foi bahá’ie est très exigeante sur les valeurs qu’elle prône et partage avec d’autres : le respect de l’humain, de la vie, le souci de la nature et de la création, l’égalité de l’homme et de la femme, le développement spirituel de l’humanité, sa capacité à grandir…à pratiquer davantage les vertus.

F.T. : Que peut-on faire aujourd’hui pour la minorité bahá’ie d’Iran ?

B.A. : Écrire des articles, des lettres, manifester son soutien aux communautés françaises qui retransmettront… On ne s’imagine pas l’importance morale de toutes les marques de sympathie. Et elles sont aujourd’hui nombreuses, ce qui permet de résister au danger et à la répression.

F.T. : Pour finir Brenda, une question personnelle : d’où vous vient le bahá’isme ? Où va-t-il après vous ?

B.A. : Il me vient d’un aïeul, fabricant de soie à Milan, village de l’Azerbaïdjan iranien, qui s’est converti dès le début… Et mon mari et moi le transmettons à nos filles, sachant que le choix personnel, qui se fait à l’âge de 15 ans, ne peut résulter que de la liberté de conscience… feuille

Contact : Brenda Abrar
Infos : www.bahai.fr

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