Le pape voulait montrer
qu’ « agir de manière déraisonnable est contraire
à la nature de Dieu», comme l’est notamment l’usage
de la violence pour diffuser la foi.
Oui, le Pape a raison ! La foi est un acte de liberté
que nul ne peut contraindre. C’est par la foi que nous nous affirmons
comme des être libres, celle-ci étant toujours une foi
malgré tout, en dépit des absences de preuves la rendant
obligée. Pour convaincre, point besoin d’armes ni de menaces.
En matière d’usage de violence pour la bonne
cause, le christianisme est loin d’être en reste… Les
huguenots français en savent quelque chose. Pourquoi Benoît
XVI s’est-il référé aux propos d’un Empereur
byzantin du xive siècle, sinon pour perpétuer une image
négative et blessante de l’Islam ?
On peut se demander si la violence verbale dont fait
preuve le Pape ne vient pas contredire ses appels aux relations désarmées.
C’est oublier que Benoît XVI est toujours Ratzinger, un théologien
savant, fin connaisseur des sujets doctrinaux de l’Eglise catholique
romaine et grand pourfendeur de son ennemi de toujours : le pluralisme
(les Lumières et le protestantisme libéral ne sortent
d’ailleurs pas non plus indemnes de ses récents propos).
Pour Benoît XVI, trop apprécier et encourager ce pluralisme
expliquerait l’affaiblissement de la foi chrétienne et la
place laissée à l’Islam qui, lui, ose condamner et
dénoncer.
On pourra regretter la facile instrumentalisation par
certains musulmans de ce qui tendrait à montrer la méchanceté
de « l’Occident » envers l’Islam. Certains vont
même se réjouir qu’un Pape dise ce que peut-être
beaucoup pensent tout bas : l’Islam a ses lumières, son
usage éclairé de la raison critique, mais où brillent-elles
aujourd’hui sur la scène du monde ?
De tous côtés, la polémique laisse
un goût amer. La réflexion du Pape est juste, mais elle
vaut pour tout le monde. C’est bien le religieux lui-même
qui doit être continuellement régulé, mis en critique,
repensé, pour éviter qu’il sombre dans le dogmatisme
et l’intransigeance. La leçon est juste, mais la référence
au vieil empereur est de trop et lui fait rater ce qui aurait été
sa plus belle cible : la religion dans sa folle prétention à
régenter le monde entier. 
Raphaël
Picon