logo d'Évangile et Liberté

Numéro 203
Novembre 2006
( sommaire )

Agir

Aujourd’hui la grossesse peut et doit être un choix. Interrompre une grossesse est une décision difficile, mais Karine Merrien, sage-femme, plaide pour que ce choix reste possible et soit accompagné avec bienveillance par la société.

Choisir une interruption de grossesse

Je n’ai encore jamais rencontré de sage-femme ayant pour vocation première la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse (IVG). Choisir de devenir sage-femme, c’est choisir d’accompagner la naissance, de mener à la vie. Mais vivre cette profession c’est accompagner les femmes dans l’immensité du champ qu’elles occupent. La sage-femme se doit de soutenir les femmes dans les choix et le vécu de leur vie intime.

Notre société et ses lois ont émancipé les femmes dans de nombreux domaines. Elles gèrent, organisent, décident... Elles évaluent aussi et savent très bien, en tant que femme et mère, quelles sont les limites appréciables de leur vie. Pour certaines, l’annonce d’une grossesse n’est pas la bienvenue pour des raisons propres à chacune, sans compter, bien sûr, les grossesses issues de viols ou d’incestes.

Ainsi je me souviens de cette femme de vingt-six ans qui est arrivée dans notre service, enceinte de dix semaines, pour des vomissements incoercibles de début de grossesse. La cause est souvent due à un facteur psychique : contexte familial perturbé, difficultés socioprofessionnelles ou troubles liés au désir de grossesse. Le traitement est draconien du fait des conséquences graves que peut entraîner l’état de dénutrition : isolement dans la pénombre avec interdiction totale des visites (mari, mère) ; arrêt de toute prise alimentaire ; nutrition parentérale (NDLR : « par injection ») ; traitement médical ; soutien psychologique si possible.

Après dix jours, murée dans un silence total, la jeune femme décide de se confier à une sage-femme et lui fait part des problèmes posés par l’annonce de cette grossesse : déjà deux enfants en bas âge, l’arrivée quelques semaines auparavant d’une promotion professionnelle prometteuse alors que le couple connaît des difficultés financières, et cette troisième grossesse imprévue qui remet en question, pour elle, la vie entière d’une famille. Sans influence extérieure, avec son époux, elle a fait calmement le choix d’interrompre sa grossesse. Dans les heures qui ont suivi cette décision, sa pathologie a « miraculeusement » disparu. Certains resteront sceptiques mais pas moi !

Quand certains réduisent l’existence de la femme au fait d’être mère, en écartant son droit et son désir, ils sont bien loin d’imaginer les conséquences d’une grossesse non désirée menée à son terme. Certes, quand l’enfant paraît cela peut être une révélation, un amour passionné, un regret éternel d’avoir imaginé interrompre la grossesse. Mais parfois une telle grossesse présage un avenir catastrophique pour l’enfant à naître avec la culpabilité comme fardeau quand ce n’est pas l’enfant qui est lui même le fardeau.

Il est bien évident qu’une IVG n’est pas sans impact psychologique pour toute femme qui choisit d’interrompre une grossesse, d’autant plus quand la décision est prise dans l’urgence. C’est pourquoi l’entretien préalable avec le médecin ne doit pas être négligé. Souvent il faut proposer un soutien psychologique par la suite tant l’hospitalisation est courte : une journée. Une hospitalisation si réduite n’est pas suffisante pour gérer un accompagnement global des femmes. À nous, peut-être, d’envisager de nouvelles perspectives dans ce domaine même si ce n’est pas forcément notre rôle premier ?

Quelques années plus tard, je retrouve certaines de ces femmes pour une naissance. Leur vie a évolué ; elles ne sont pas pour autant différentes mais plutôt épanouies. Quelques-unes reparlent de leur histoire passée sans remords ni regrets, en toute simplicité. D’autres la laissent de coté comme une sorte de tabou. En effet certaines sont parfois seules à porter « leur secret », inconnu de leur famille.

Elles ont toutes tourné la page à leur manière mais ce que ces femmes ont en commun, le jour où elles reviennent pour accoucher, c’est ce petit trait caractéristique du bonheur qui émane de leur visage et pétille dans leurs yeux. feuille

Karine Merrien

haut

 

Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)


Vous pouvez nous écrire vos remarques,
vos encouragements, vos questions



Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Évangile & liberté

Courrier des lecteurs

Ouverture et actualité

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs


Article Précédent

Article Suivant

Sommaire de ce N°