Ils sont une soixantaine.
Quelques uns sont arrivés seuls au temple mais le plus gros de
la troupe est venu du métro, lieu prévu pour se retrouver
et venir tous ensemble au Foyer de l’Âme. Le CASP organise
bien les choses. Ce dimanche là c’est au tour de l’Église
de la Bastille d’accueillir le repas dominical du CASP au bénéfice
de personnes économiquement en difficulté.
C’est
une fête, pas seulement un simple repas. Les gens sont bien habillés
mais leurs vêtements défraîchis et une certaine nervosité
quant au nombre de places disponibles trahissent une pauvreté
évidente. C’est la fête aussi par la qualité
du repas, par l’installation des tables et leurs décors.
Chacun prend place autour d’une personne de l’équipe
d’accueil par table. Un discours de bienvenue au moment de l’apéritif,
ainsi commence le repas.
J’ai été frappé par la dignité
de ceux qui étaient assis à ma table ; la tenue générale
et la qualité des propos échangés montrent clairement
combien ces gens souvent exclus, incompris ou méprisés
recèlent une grande richesse intérieure, une grande culture,
une grande expérience de la vie. Le repas s’est achevé
en chansons accompagnées au piano. Rendez-vous était pris
pour le dimanche suivant dans une autre paroisse de la région
parisienne. Ainsi le CASP apporte aux plus démunis un peu de
dignité et de joie, dimanche après dimanche.
Les centres sociaux protestants et en particulier le
CASP-région parisienne plongent leurs racines dans le christianisme
social de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. La
montée de la misère ouvrière et les fléaux
qui ont accompagné l’industrialisation ont montré
les limites des entraides paroissiales classiques. Il était nécessaire
de réagir. Autour d’hommes comme Tommy Fallot, E. Loriol
ou Rochas se sont constitués de nombreux mouvements pour lutter
contre les différentes formes de misères de l’époque
: ainsi sont nés les missions populaires, les Croix bleues, les
centres d’action sociaux protestants. C’est aussi l’époque
de l’essor de l’Armée du Salut créée
quelques années avant en Grande Bretagne.
Cette année le CASP fête ses 100 ans. En
1906 l’Association de Bienfaisance parmi les protestants de Paris
et de la Seine, créée un an plus tôt, est reconnue
d’utilité publique. Le CASP pratique évidemment une
entraide ouverte et travaille en réseau avec de nombreux partenaires,
dans ses structures d’accueil : accueil de jour – hébergement
d’urgence – centres d’hébergement insertion –
résidences – centres d’accueil et d’accompagnement
social des familles – demandeurs d’asile – sites d’accueil
de nuit, etc.
Le CASP a entre autres offert en 2005 : 1 720 000 nuitées
d’hébergement, 80 000 repas, 1 100 visites médicales,
des milliers d’accueils ponctuels, etc. Ces quelques chiffres nous
montrent tout l’intérêt que nous devrions porter aux
associations qui luttent contre la misère.
Écoute, conseils juridiques, soins, repas, repos…
La palette d’activités du CASP est très étendue
mais elle montre les besoins de celles et ceux que la société
rejette. L’importance de ses activités (qui s’ajoutent
à celles de toutes les autres associations caritatives et à
toutes les actions individuelles) nous pose aujourd’hui comme hier
le problème de l’exclusion. Le rejet du pauvre, la misère
sont un scandale pour l’humanité en général
et insupportables pour les épaules de celui sur lequel pèse
cette misère.
En face de la souffrance d’autrui comment ne pas
répondre à l’appel de l’Évangile «
aimez-vous », « ce que vous faites au plus petit… »
? Quel est le discours de l’Église ? Sommes-nous suffisamment
contestataires pour être entendus et crédibles ? Quels
projets d’Église pour les banlieues, pour les SDF, pour
le Tiers Monde ?
Si l’arbre se reconnaît à ses fruits,
alors le CASP et tous ceux qui s’engagent sur le terrain de la
solidarité et du Royaume sont les fruits qui font de l’Église
un bel arbre dont l’ombre est bienfaisante en été
et les fruits nourrissants en hiver. 
Vincens
Hubac