Au moment où
il devient de plus en plus clair pour de plus en plus de monde que la
conscience, l’organisation, la socialité, la projection
vers l’avenir, la ritualité, l’intelligence en somme
ne sont plus et n’ont jamais été l’apanage de
l’espèce humaine, que disent les Églises et leurs
théologiens ? Rien. On refuse de voir que Dieu est une métaphore
de l’humain, que l’humain a fait Dieu à son image idéalisée,
jusqu’à ce que cet humain devienne dieu en Jésus
(sans que ce dernier ait été consulté). Bientôt,
il faudra déclarer la pensée chrétienne autiste.
Au moment où il est scientifiquement prouvé
que notre espèce n’a pas toujours été la seule
espèce humaine, et que nos ancêtres auraient pu frayer
avec d’autres espèces qu’aujourd’hui nous considérerions
comme des singes (dont nous exterminons avec application les spécimens
actuels, histoire de n’avoir plus de contact avec ce miroir poilu),
aucune révolution en vue dans le mainstream théologique,
aucune question : tout a toujours été et sera. Insupportables
cloisons mentales.
Au moment où il apparaît clairement que
la recrudescence des cancers dans les zones industrielles est directement
liée à la prétention idéaliste de l’humain
qui n’arrive pas à voir que la matière dont il est
fait est la même matière qu’il consomme, que disent
les Églises et leurs théologiens devant ce carnage ? Rien,
puisque Dieu a mis toute la création aux pieds de cet humain
épuisant. Ils attendent patiemment que tout le monde s’y
mette. Quel magnifique instinct prophétique !
J’en passe, et des meilleures, dans tous les domaines
(sexualité, conception idéaliste du « Mal »,
injonctions paradoxales sur « l’amour », la «
faute », la « chute ») où la parole de l’Église
est au mieux inaudible, au pire dangereuse, dans son appui massif à
l’idéalisme qui ronge notre possibilité de vivre
heureux.
Pourtant, je reste persuadé, c’est tout bête,
que l’Idiot (« celui qui parle un langage que personne ne
comprend ») du village de Nazareth avait senti l’intégrité
de l’univers créé par son innommable D.ieu*, que
des gisements d’intelligence à combiner avec l’actualité
sont toujours disponibles, et que notre façon de voir simpliste
sera un jour battue en brèche à travers une évolution
mentale gigantesque. L’« humain » comprendra où
il est et l’acceptera. D.ieu sera rendu à cette créature,
autoproclamée surdouée mais particulière comme
les autres, lorsqu’elle se sera rendu compte. Ou plus simplement
quand elle se sera rendue. 
Robert
Philipoussi