La rencontre de Jésus et
Marie au jardin du cimetière nous dit la Bonne Nouvelle de manière
puissante.
Pour les évangélistes Marc et Jean, Marie de Magdala
est la première à être témoin de la résurrection.
Le christianisme primitif avait des accents féministes assez
marqués, surtout dans l’évangile de Jean. N’oublions
pas que la Samaritaine au chap. 4 bénéficie de l’annonce
de la révélation : « Je le suis (le Christ) moi
qui te parle ». La Samaritaine est le premier apôtre qui
annonce à ceux de sa ville : « Ne serait-il pas le Christ
? » Au chap. 8, la femme adultère bénéficie
de la grâce. Puis c’est Marie, la sœur de Lazare, qui
est « ressuscitée » (Jn 11,29) devant les témoins
étonnés de la voir « se lever » !
Dans l’évangile de Luc, bien des femmes sont guéries.
Sans oublier les compagnes de Jésus pendant son ministère.
On retrouve Marie de Magdala aux côtés de Jeanne et Suzanne
et de « beaucoup d’autres ». Le Maître est en
avance sur son époque. Les disciples ne suivront pas Jésus
sur la voie du féminisme. Ce sont les gnoses chrétiennes
(doctrines insistant sur le salut par la connaissance) qui vont perpétuer
cette tradition, montrant les liens qui unissent Jésus et Marie
de Magdala.
Pourtant la Bonne Nouvelle n’est pas réservée à
une moitié de l’humanité, mais à l’ensemble
du monde, hommes et femmes ; c’est son universalisme. Elle est
aussi pour ceux qui ont tout perdu, qui se sentent incompris, écrasés,
exclus. Ici, Marie, seule et dans le deuil. Elle vit dans le questionnement
: pourquoi ? Question obsédante et terrible, liée au problème
du mal. Seule, face à la mort, Marie ne sait pas, ne discerne
pas. Elle se retourne une première fois et entend son nom : souvenir
? Vision ? Réalité ? Elle se retourne une deuxième
fois, tourne le dos à la tombe et fait face à la sortie,
à la vie. La Bonne Nouvelle est affaire de vivants, espérance,
message de vie.
Cette Bonne Nouvelle n’est pas la résurrection au sens
strict : le récit ne comporte pas de témoignage de la
résurrection, qui est plus une expérience qu’une
réalité. Ce qui compte c’est le sens, le message
transmis, le surgissement d’une Parole rendue possible. Marie appelle
Jésus par son nom intime « rabouni », comme avant
! Proximité de l’être aimé marquée à
jamais, moments d’éternité. Mais Jésus n’est
plus là. « Laisse-moi aller, ne me touche pas ».
Il prend de la distance, ce qui permet à la Parole d’advenir
: « Va trouver mes frères ». Espérance et
vie.
Parole de grâce et de liberté. Dans ce jardin du cimetière,
qui rappelle le jardin d’Eden, Jésus est debout comme un
arbre de vie. Il dit la vie, il offre la possibilité de vie renouvelée
: « Ne me touche pas, ne me retiens pas », dit Jésus,
comme Dieu avait dit à Adam et Ève de ne pas toucher et
de ne pas consommer l’arbre de la connaissance.
Mais ici, Marie de Magdala obéit, nouvelle Ève, elle
incarne la sagesse, la Sophia. Elle aussi quitte le jardin, non pas
avec une malédiction, mais avec la bénédiction
et la mission de dire la vie plus forte que la mort à ses amis
et au monde. En Jésus, dans le message du jardin, se trouve la
fin de la malédiction d’Adam : la grâce même
est exprimée. Marie et Jésus forment le couple d’une
nouvelle humanité, nouvelle Ève et nouvel Adam : la Sophia
et le Logos.
On doit mentionner à nouveau la gnose qui se reconnaît
dans le couple Jésus-Marie et dans le féminisme mentionné
plus haut. Écrit vers la fin du Ier siècle et le début
du IIe, l’évangile de Jean est un des lieux de débat
qui a animé le christianisme antique. Avec Ignace d’Antioche
vers 110, puis Irénée de Lyon vers 180, l’orthodoxie
va triompher ; elle rejette dans l’oubli la gnose et avec elle
certains aspects du christianisme des origines : l’humanité
de Jésus, la place des femmes et celle de Marie de Magdala. Les
évangiles apocryphes, ceux de Philippe, de Marie de Magdala,
de Thomas, porteront encore ces lumières quelques siècles
avant que le sable du désert ne les recouvre. Heureusement nous
avons gardé Jean. 
Vincens
Hubac