Cher Qohélet, «
Il y a un temps pour tout ». Un temps pour ci, pour ça…
Mais justement (ou injustement ?), les temps se heurtent, l’actualité
fonce et dans ce choc des temporalités, il est confortable de
tout aplatir avec un discours « café du Commerce »
: « Finalement, au fond, ça ne change pas. » Cher
ami, bienvenue au comptoir, avec ta sagesse aussi triste qu’immobiliste
: « Ce qui a été, c’est ce qui sera et ce qui
s’est fait, c’est ce qui se fera » (Qohélet 1,9).
Mais non, mon pauvre, tu n’y es pas ! Tu écrivais
derrière ton éternelle énigme, il y a si longtemps
! Et je te demande aujourd’hui s’il y a un temps pour le printemps,
l’été, l’automne et l’hiver. Mais oui,
même ce qui te semblait immuable du fond des temps, le grand manège
des saisons déraille. Change de langage ! Et ce n’est même
pas moi qui le dis, c’est, allez, devine ? Mes rosiers !
Oui, en janvier : mes rosiers sont repartis ! C’est
fou ! Le réchauffement climatique, c’est moche. Et moi,
je te dis ce que mes rosiers m’ont dit ce matin : « D’abord,
il faudrait peut-être faire attention parce que, nous, on veut
bien fleurir, mais il nous faut nous reposer et pour cela, aider la
Nature (ou le Dieu des roses) à respecter nos cycles. Mais il
faut aussi voir qu’il y a du “nouveau sous le soleil”
et que le signe du froid et de la mort ne gagne pas forcément
: en dehors des saisons folles ou non, la Vie n’est-elle pas sortie
victorieuse d’un hiver tragique ? Allez : laissez l’hiver
jouer son rôle (sans trop de CO2) mais acceptez aussi que Vie
soit follement obstinée. » Ce bourgeon hors saison est
aussi un signe : ce qui a été n’est plus forcément
ce qui sera, et le Vivant, cher Qohélet, te contredit : «
Voici, je fais toutes choses nouvelles ». 
Christine
Durand-Leis