Si le pouvoir peut
s’instaurer par la contrainte, l’autorité revendique
toujours une légitimité. Ainsi, ce qui constitue sa force
fait aussi sa fragilité, car elle court toujours le risque de
ne pas être reconnue. Tant que son droit à s’exercer
n’est pas mis en cause, il n’y a pas de problème, mais
dès qu’il y a difficulté ou conflit, la question
de sa légitimité surgit. « L’individu le plus
doué d’autorité commence à balbutier si on
lui demande d’où, de qui il tient son autorité »,
écrit Paul Ricœur. Il y a là une sorte de point aveugle
qui rend toute autorité vulnérable : au nom de qui, au
nom de quoi s’impose-t-elle ?
Tel
est d’ailleurs le piège tendu à Jésus par
ses adversaires. « Ils lui disaient “En vertu de quelle autorité
fais-tu cela ? Ou qui t’a donné autorité pour le
faire ?” » (Mc 11,28). Ils contestent son autorité
en posant la question de sa source. Jésus leur répond
en leur posant à son tour une question, c’est-à-dire
en laissant ouverte l’interrogation, en s’exposant à
ce que sa propre autorité ne soit pas reconnue, en assumant cette
fragilité. C’est pourquoi, il refuse de résoudre
le paradoxe de l’autorité en se référant à
une tradition ou à une institution, ou en s’enfermant dans
une autojustification autoritariste.
Jésus ne trouve pas en lui la source de son autorité.
Il renvoie à un Autre que lui-même, qui l’autorise
à parler et à agir, qui le rend libre vis-à-vis
des pouvoirs de ce monde. Cette autorité et cette liberté
à l’égard des tabous religieux et des règles
sociales vont susciter inquiétude et scandale chez les «
autorités » de son temps. Un lourd potentiel polémique
qui aboutira à sa conséquence ultime, la mort sur la Croix.
C’est là pourtant, dans ce qui, à vues humaines,
est un échec tragique, que se manifeste l’autorité
paradoxale de Dieu. En Christ, sa Parole rejoint ce qui n’a plus
droit à l’existence, ce qui est rejeté par le monde.
De ce lieu d’extrême faiblesse, elle appelle à la
vie et à un avenir renouvelé, par-delà toutes les
morts. 
Michel
Bertrand