Transhumance…
Matin de septembre, il faut se lever
tôt car le troupeau va partir. Depuis deux jours déjà
les bergers du bas pays sont venus trier les bêtes, marquer certaines
et isoler les plus faibles qui partiront en camion. Mais surtout ils
ont « habillé » les brebis avec des pompons de laines
de toutes les couleurs attachés sur leur dos, puis ils ont posé
les sonnailles au cou des bêtes. De grosses cloches pour les brebis
et les moutons les plus robustes, des petites au son plus clair pour
les agneaux nés au printemps. Cloches en fer que frappe un os
attaché par un lacet de cuir. Leurs colliers de bois sont bariolés
de couleurs vives. Les 1 200 têtes du troupeau sont prêtes
pour la transhumance de trois jours, des montagnes de Meyruès,
au bord du Causse, au pays d’en bas, vers Saint Jean du Gard ou
Lassalle.
On monte au parc ou les bêtes attendent puis c’est le départ.
En tête les bergers. Ils ont leur fouet pour stimuler les traînards
ou ramener ceux qui s’écartent. D’un côté
il y a la lanière de cuir, de l’autre le bout clouté
qui permet de prendre appui sur terre ; car le fouet est aussi une canne
utile pour marcher en zone montagneuse. Mais le berger a aussi un trésor
dans son sac : des châtaignons, petites châtaignes séchées
dont les moutons raffolent, et grâce auxquels les bergers attirent
à eux les mâles dominants que suit le troupeau.
En route par les chemins de montagne jusqu’à la draille
qui court à flanc de coteaux presque au sommet, le troupeau s’étire
sur des dizaines de mètres. Autour des bêtes les chiens
de berger veillent et écoutent le maître. Ils sont d’une
rare efficacité.
On marche ainsi au dessus des Oubrets, puis c’est Cabriac et
le col des Salides et on rejoint la grande draille qui descend de l’autre
côté de l’Aigoual. Les bergers racontent des histoires
de leur jeunesse, quand les loups suivaient le troupeau, faisant office
de fossoyeur, histoires des grands feux de forêt ou d’étés
exceptionnels… souvenirs des anciens.
Et quand j’entends le psaume 23 « l’Éternel
est mon berger… » je revois ces grands troupeaux et ces bergers
que je suivais émerveillé… quelque chose d’immuable
et de vrai, un moment de temps suspendu que seul remplit le chant des
sonnailles. 
Vincens
Hubac