La question de l’autorité
dans l’Église n’est pas, pour le protestantisme, une
question centrale. La Réforme du XVIe siècle est même
généralement tenue comme un moment de forte contestation
de l’autorité (autorité de la tradition, du pape,
du magistère, de la hiérarchie ecclésiale). On
a d’ailleurs souvent rangé le protestantisme du côté
des religions de liberté par opposition aux religions d’autorité.
Il est vrai qu’au cours de l’histoire, les protestants se
sont souvent trouvés du côté des opposants à
toute forme d’autorité abusive, qu’elle soit religieuse
ou politique.
Toutefois,
une telle vue des choses doit être sérieusement nuancée.
Non seulement les Réformateurs n’ont pas rejeté toute
forme d’autorité, mais ils ont contribué à
en renouveler la compréhension de manière significative,
avec des conséquences importantes au plan doctrinal, ecclésial,
moral voire politique. Ils l’ont fait à partir d’une
affirmation centrale : c’est le Christ seul qui est l’autorité
ultime dans l’Église. Cette autorité n’est à
la disposition de personne. Aucun individu, aucune institution ne peuvent
se l’approprier. L’autorité de l’Église
s’exerce donc toujours comme une autorité partagée
et seconde, en référence à l’autorité
du Christ à laquelle elle ne peut que renvoyer.
Le renvoi exclusif à l’autorité du
Christ ne doit pourtant pas dispenser d’observer la façon
dont s’exerce effectivement l’autorité dans les institutions
ecclésiales. Car le déplacement systématique de
la question de l’autorité sur Dieu, le Christ, le Saint-Esprit
ou les Écritures, peut couvrir des fonctionnements hiérarchiques
et autoritaires d’autant plus redoutables qu’ils sont masqués.
Aussi importe-t-il de clarifier les modalités concrètes
de l’autorité dans l’Église. Il y a là
un jeu complexe d’articulations et de tensions entre différentes
instances de régulation. Ces médiations institutionnelles
doivent être clairement identifiées et reconnues, analysées
et habitées de façon à la fois constructive et
critique. 
Michel
Bertrand
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: 3. Une autorité
paradoxale