Premières réactions à l’article du pasteur
Gilles Castelnau («
Les religions : un affront à l’intelligence ? »,
E & L, n° 210, juin/juillet)
J’adhère au protestantisme
libéral, car j’ai « conscience de la constante nécessité
d’une critique réformatrice ». Je ne relève
pas de la religion réformée mais d’une religion
en perpétuelle reformation. Les règles auxquelles je
me réfère sont personnelles, provisoires et purement
indicatives ; je doute de la justesse de ma position ; je cherche
à l’améliorer ; je crains d’influencer les
autres.
Mon protestantisme n’est ni rigide ni défini ; au contraire,
il est imprécis, poreux, mouvant. C’est une adhésion
réfléchie et personnelle à un certain nombre
d’idées supérieures, transmises de générations
en générations, dans lesquelles j’ai foi et que
j’examine constamment dans la limite des lumières qui
me sont concédées. Alors pourquoi entrer dans un débat
avec Monsieur Castelnau qui dit fort bien et tout haut ce que je pense
ou aimerais avoir pensé tout seul ?
Merci à lui pour son article. Merci à vous pour l’avoir
publié. Nos positions sont, je le crois sans aucune prétention,
un « hommage à l’intelligence ». Continuez.
Fraternellement.
M. Georges Garet, La Rochelle
haut

L’article de Gilles Castelnau
pose bien le problème de fond ; on avait déjà
dans Castellion cette recommandation de ne recevoir pour crédible
que ce qui était concevable après l’analyse de
la raison (« La raison, dis-je, est comme un discours éternel
de Dieu de beaucoup plus ancien et plus sûr que les Écritures
et les cérémonies. » L’Art de Douter et de
Croire). Il faudrait veiller à ne pas tomber dans la dérive
de la religion post révolutionnaire... En outre, on est frappé
par la résurgence dans tel autre article d’Évangile
et liberté de ces choses apprises avant ces changements d’optique,
mais qui restent plus ou moins inconsciemment dans la mémoire
ou dans la plume. Enfin, quelle place faire à la « tradition
» en particulier catholique, mais aussi bien présente
chez nous à certains égards : la combattre au dernier
degré, l’ignorer ; l’attitude que nous voyons mieux
chez nos amis catholiques, arrivant à concilier la hiérarchie
trop pesante et les ouvertures plus évangéliques, doit
nous mettre en garde pour tenter d’éviter ce même
travers. Ce qui va compliquer encore le dialogue interreligieux, puisqu’un
dépoussiérage est nécessaire avant d’arriver
au fond, alors que les choses sont déjà très
encombrées dans tout ce à quoi on tient dans son propre
camp.
Pierre Manivit, Montbonnot
haut

Comme John Spong, je pense que l’ « athéisme »
est davantage blocage intellectuel devant ce « théisme
» obsolète, que refus de la foi en Dieu – au «
divin » comme préférait le dire un prêtre
symboliste cité par Théodore Monod dans Le chercheur
d’absolu. Quand le pasteur invite les paroissiens à dire
le Symbole des Apôtres, je ne croise pas les doigts dans mon
dos, mais je me récite « mon » Credo. Enfin, ouvrir
nos temples le samedi après-midi – ou le « jour
de marché » – permet de faire entendre la voix protestante.
À Pau, plus de 6000 visiteurs depuis septembre 2000. À
ceux qui se disent « athées » et à ceux
qui reprochent aux « Églises » de s’accaparer
Dieu, je fais lire le cartouche d’Évangile et liberté.
[ndlr : cf. p. 5] Tous l’approuvent et beaucoup m’avouent
: « Vous me donnez à réfléchir »,
ce qui me relance vers d’autres « ouvertures ».
André Breton, Pau
haut

Je partage entièrement la
réaction de Gilles Castelnau devant de nombreuses affirmations
de la liturgie réformée, qui sont incompatibles avec
les connaissances scientifiques depuis la fin du XXe siècle.
Les physiciens ont alors découvert des lois physiques de notre
univers ne laissant plus de place à un Dieu créateur.
Les phrases prononcées au cours de la liturgie ne peuvent
pas être une récitation sans réflexion ; il faut
qu’elles expriment notre foi, sans réticence. Ceci n’est
possible que si on reconnaît la coexistence du monde où
nous vivons avec un monde spirituel, qui n’a pas les mêmes
coordonnées d’espace ni de temps que le monde physique.
Cela ne signifie pas qu’il faille abandonner toute réflexion
intelligente au cours du culte ou de nos prières, bien au contraire.
Ma réponse se situe dans le cadre d’un protestantisme
réformé qui s’écarte d’une interprétation
littérale des textes de la Bible (ancien et nouveau Testament),
pour en rechercher le sens symbolique. Par exemple, le récit
de la tempête sur le lac de Tibériade, est, à
mon avis, une remarquable parabole si on le lit comme l’affrontement
des tempêtes de la vie.
Si Dieu n’est pas le créateur du monde où se
déroule notre vie, il est par contre le créateur du
monde spirituel, avec lequel il se confond. Que deviendra ce monde
spirituel quand toute vie s’éteindra sur cette terre ?
Je ne le sais pas, et je ne peux pas l’imaginer. Cela ne m’empêche
pas d’affirmer la réalité d’un monde spirituel,
qui se manifeste à nous (c’est un aspect du mystère
de l’incarnation) de façon indépendante de notre
volonté.
Gérard Cabane, Fontenay-aux-Roses