Noël en prison
: « Le 25 décembre, c’est le jour le pire en prison,
surtout chez les femmes », m’a dit un surveillant. Un aumônier,
lui, m’a dit : « Noël en prison, c’est très
dur. Noël, c’est la fête de la famille. Les détenus
sont loin de leurs proches, de leurs enfants. Pâques, c’est
plus facile ; c’est le printemps, la renaissance, la conversion,
l’espérance. »
Nous sommes quelques membres des paroisses réformées
voisines de Fresnes à participer aux célébrations
de Noël organisées par les aumôniers protestants,
à la Maison d’Arrêt des Femmes (MAF) et à la
Maison d’Arrêt des Hommes (MAH).
Nous sommes accompagnés par une chorale évangélique
de Montreuil, qui chante des gospels et qui est très appréciée
des détenus.
C’est une occasion pour nous de pénétrer
dans la détention, de subir les contrôles, de franchir
les grilles, d’entendre le cliquetis des clés, de voir les
surveillants ouvrir les portes des cellules. Nous sommes convoqués
plus d’une heure avant la célébration, tellement
l’entrée d’une trentaine de personnes, en outre avec
des instruments de musique, prend de temps !
30 à 40 détenues chez les femmes (elles
sont 90 à la MAF), 80 à 100 détenus chez les hommes
(ils sont 2 400 à la MAH), participent à ces célébrations.
Généralement ces détenus fréquentent
les réunions organisées par les aumôniers. Ils ne
sont pas tous des chrétiens pratiquants, mais la participation
à ces réunions est une occasion de sortir de leurs cellules.
De plus, l’incarcération engendre un besoin de retour sur
soi, de réflexion, de partage de ses problèmes, ainsi
que des aspirations spirituelles et/ou religieuses. Ils ont été
prévenus de la date de la célébration, ont demandé
à y assister pour ne pas manquer cette occasion de sortir et
de vivre un moment de fête.
Les célébrations comportent des lectures,
des chants de la chorale et de l’assemblée, des prières.
De grands cubes circulent parmi les détenus, sur lesquels ils
inscrivent leurs prières dans leurs langues (il y a 30 % d’étrangers
à Fresnes). Celles-ci seront reprises dans nos paroisses le jour
de Noël, portées par nos communautés, franchissant
ainsi les murs de la prison et symbolisant la solidarité entre
l’intérieur et l’extérieur.
Voici deux exemples des moments les plus forts : la récitation
du Notre Père, successivement dans plusieurs langues ; un chant
africain entonné par un aumônier d’origine africaine,
occasion pour certains détenus de s’exprimer dans leur propre
culture et de communier avec l’aumônier.
Des larmes viennent aux yeux, surtout chez les femmes,
parfois aussi chez les hommes. Certains surveillants suivent le déroulement
et semblent émus eux aussi.
Nous apportons aux détenus quelques menus cadeaux
: un calendrier offert par l’Armée du Salut, très
présente en prison, des friandises, une jacinthe. Chez les femmes,
nous pouvons leur offrir des gâteaux faits maison : elles ne peuvent
plus en déguster et apprécient particulièrement
les gâteaux au chocolat ! Il y en a toujours trop, mais il est
important d’en distribuer aux surveillantes et d’en garder
pour les détenues qui n’ont pas pu venir.
Nous pouvons converser un peu avec les détenus,
surtout avec les femmes, parce qu’elles sont moins nombreuses et
que la surveillance est plus souple.
Quelques détenues nous ont demandé si nous
reviendrions les voir, elles ont manifesté leur soif de rencontres,
de visites, surtout les étrangères éloignées
de leurs familles. Et c’est ainsi qu’à la suite des
célébrations de Noël, je suis devenue visiteuse à
Fresnes, il y a plus de cinq ans.
Je terminerai par ce témoignage de Christian Chesnot
qui fut otage en Irak durant plus de quatre mois. Dans une récente
émission de télévision du dimanche matin, il a
expliqué que la prière, le dialogue avec Dieu, était
un moyen pour le détenu de retrouver sa dignité.
« La prière a été notre étoile
dans les ténèbres. Elle nous a sauvé la vie. »

Jeannie
Persoz