Un voyage au Brésil en janvier
2007 nous a fait rencontrer des groupements, les « folias »,
sortes de confréries à l’instar de celles du Moyen
Âge, qui parcourent la campagne ou les banlieues entre Noël
et le 6 janvier. Ils accomplissent un long tour, le « giro »,
de maison en maison, derrière une bannière, objet d’une
dévotion fervente, qui représente les rois mages. Une
crèche l’accompagne parfois. Viennent ensuite des musiciens,
des chanteurs et parfois des danseurs, en tout une douzaine de personnes
plus ou moins costumées, qui apportent la Bonne Nouvelle de la
venue du Sauveur. Le nom de folie provient sans doute du nom d’une
danse portugaise du Moyen Âge.
Les habitants des maisons leur ouvrent leur porte après certains
rites, prières, récitations du rosaire, vœux et offrandes,
toujours au milieu de chants improvisés sur un canevas immuable
et dans une grande liesse populaire. Les maisons sont décorées
de façon soignée, avec des « autels » et des
crèches.
Suivant leurs ressources, les personnes visitées offrent quelques
pièces de monnaie et un café ou bien de plus grands dons
d’argent, un véritable repas et le repos pour la nuit. Ce
repas en commun fait penser à ceux des premiers chrétiens
: le repas final auquel nous avons pris part au terme d’un «
giro », le 5 janvier, groupait plus de mille personnes dans une
petite « fazenda », et ce, malgré un temps exécrable.
Aucun membre du clergé ne participe au cortège, conduit
par un « ambassadeur ». Tout cela au milieu d’une religiosité
forte, d’une atmosphère empreinte continuellement du sens
du « sacré », rappelant les fêtes du Moyen
Âge dont ces folies sont, sans aucun doute, issues. Le rituel
est très codifié, tout en s’étant diversifié
progressivement, nous a-t-on dit, d’une région à
l’autre.
Un des caractères principaux de ces fêtes est l’échange
de nouvelles et la création d’un fort lien social dans des
communautés originellement très dispersées à
travers la campagne. Les familles les plus pauvres reçoivent
assistance et les plus riches contribuent à des dons pour ces
pauvres ainsi que pour le bon déroulement du « giro »
et, probablement aussi, pour l’Église.
Nous avons assisté en outre à la grande fête finale
pour l’État de Goiânia, regroupant tous les «
foliões » issus de 44 groupements, au cours d’une
messe où le clergé récupère ces manifestations
laïques, mais sacrées, dans le cadre traditionnel de l’Église.
Les participants, heureux de ces rencontres annuelles, apportent aux
autres fidèles le témoignage de leur foi un peu particulière.
Le clergé tolère ces fêtes, tout en étant
un peu décalé par rapport à ces rites ancestraux,
à cette vénération de signes non reconnus par lui.
Il y est d’autant plus présent et enclin à les maintenir
dans son orbite que l’audience du catholicisme diminue assez rapidement
au Brésil, devant la montée des cultes afro-brésiliens
et surtout du pentecôtisme et des mouvements de tendance évangélique
issus du protestantisme américain et détestés par
les catholiques (leurs pasteurs sont avant tout des hommes d’affaires
qui amassent des fortunes, avons-nous entendu !).
Le clergé, sur la défensive au Brésil, se déplace
peu ; il cherche donc à pallier son manque de prêtres en
tolérant le rôle des laïcs dans les fêtes populaires,
à côté du rôle et des messages plus habituels
de la hiérarchie. 
Madeleine
et Bernard Félix