Dans votre numéro de février,
le pasteur Dumas déplore
le manque dintérêt actuel pour linterreligieux
et plaide pour que lon ose entamer ou reprendre le dialogue.
Je ne resterai donc pas prisonnier de ce silence qui, dit-il, aide
à corrompre les rapports humains.
Jessaierai plutôt de prolonger son article pour insister
sur la nécessité quil y a daller au-delà
dun simple constat déchec.
Il est vrai que dans le domaine du religieux les croyances défendues
par les diverses traditions paraissent inconciliables, dans la mesure
où leurs différences sont irréductibles. Mais
est-ce là une raison suffisante pour ne pas tenter de trouver
une issue à limpasse dans laquelle semble sêtre
enlisé le dialogue interreligieux ? Si les barrières
qui séparent nos religions ne nous semblent pas possibles à
abattre, alors essayons de nous élever au-dessus, de prendre
de la hauteur et de regarder par la même occasion ce qui se
passe ailleurs.
On pourrait sintéresser à la manière
dont les religions orientales gèrent leurs propres contradictions.
Elles les approchent comme des défis à relever en interne,
et non comme des hérésies à exterminer chez les
autres. Mais ce serait bien trop long.
Il me semble plus directement significatif de regarder ce qui se
passe dans le domaine scientifique. Cela présente lavantage
de ne pas sortir de notre cadre de pensée habituel.
Je prendrai le cas de la lumière qui me paraît tellement
éclairant que je lavais pris comme sujet de philosophie
à loral du bac il y a fort longtemps
Deux théories sopposaient quant à la nature
de la lumière. Lune la considérait comme un phénomène
ondulatoire et lautre comme un phénomène corpusculaire.
La différence était au moins aussi irréductible
que nos oppositions doctrinales. Et cependant des deux côtés
les savants ont réussi par le biais dexpériences
scientifiques à démontrer la véracité
indéniable de leur théorie.
Il me semble quil y a là de quoi tempérer toute
velléité dabsolutisation de nos orthodoxies religieuses.
En effet, si même dans le domaine scientifique la réalité
est capable de transcender de telles contradictions, cela nous invite
fortement à redoubler de prudence lorsque nous abordons le
domaine de la théologie.
Notre pensée aristotélicienne qui postule que lorsquune
proposition est vraie, toutes celles qui en diffèrent sont
fausses, est un obstacle majeur à tout approfondissement spirituel,
et même, nous venons de le voir, à toute évolution
radicale dans la recherche en général.
Notre point de vue religieux ne doit pas être considéré
pour plus que ce quil est, cest-à-dire notre point
de vue. Ceux qui se trouvent ailleurs voient nécessairement
les choses sous un autre angle, et les décrivent à juste
titre différemment.
En essayant de devenir capables dadmettre que des perspectives
contradictoires peuvent sappliquer à une même réalité
qui, pour linstant, nous dépasse, nous progresserons
sur la voie du dialogue et du respect mutuel.
Noublions pas la prière de Jésus en Jean 17
: « Quils soient un comme nous sommes un. » Notre
objectif nest pas la fusion, mais la communion, cest-à-dire
lunion dans la diversité.
Roland Poirier, Bures sur Yvette