Ouverture et Actualité
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:
Mary,
Réalisé
par
Abel
Ferrara
(USA)
avec
Juliette
Binoche,
Forest
Witaker,
Matthew
Modine,
Heather
Graham
de 2005,
durée
1h25.
En
quelques
plans
Abel
Ferrara
pose
dentrée
le
problème
spirituel
qui
le
préoccupe,
voire
qui
le
hante.
Marie-Madeleine
(Juliette
Binoche)
pénètre
dans
le
tombeau
du
Christ
et
est
effrayée
de
ne
pas
trouver
le
corps
de
son
seigneur
et
maître.
Elle
rencontre
un
ange
effroyable
qui
lui
demande
«
Pourquoi
cherches-tu
les
vivants
parmi
les
morts
?
»
puis
le
Christ
qui
disparaît.
En
fait
la
caméra
de
Ferrara
vient
de
filmer
la
réalisation
dun
épisode
de
This
is
my
blood,
film
de
Tony
Childress
(Matthew
Modine).
Elle
nous
montre
lenvers
du
décor
et
leffervescence
qui
règne
sur
le
plateau
en
empilant
des
plans
dans
un
désordre
savamment
calculé.
Le
tournage
de
This
is
my
blood
est
terminé
mais
Mary
Palesi
(toujours
Juliette
Binoche)
reste
bouleversée
par
le
personnage
de
Mari-Madeleine
quelle
vient
dinterpréter.
Elle
décide
dabandonner
sa
vie
passée
et
part
pour
Jérusalem
afin
de
poursuivre
son
voyage
intérieur
et
vivre
sa
foi.
Tony
rentre
à
New
York
et
défend
son
film
à
une
horde
de
fondamentalistes
chrétiens
qui
nacceptent
pas
que
lon
évoque
les
hypothétiques
rapports
ambigus
entre
Jésus
et
Marie-Madeleine.
Cela
fait
penser
évidemment
à
La
dernière
tentation
du
Christ
et
aux
ennuis
de
Martin
Scorsese.
Parallèlement
un
journaliste
de
renom,
Ted
Younger
(Forest
Whitaker),
présente
à
la
télévision
une
émission
consacrée
au
christianisme
et
sinterroge
à
lantenne
sur
le
sens
de
cette
religion.
Nous
voici
face
à
trois
personnages
contemporains
qui,
aux
prises
avec
les
contradictions
du
monde
et
de
leurs
vies,
tentent
de
trouver
une
solution
par
la
foi.
Ferrara
nous
montre
toute
la
distance
physique
et
surtout
spirituelle
qui
sépare
Ted
et
Tony
de
Mary.
Les
apparitions
de
cette
dernière
font
lobjet
de
séquences
très
courtes
qui
sintercalent
entre
celles
du
récit
détaillé
des
deux
protagonistes
américains
ce
qui
donne
au
film
une
puissance
intemporelle
surprenante.
Un
événement
important
va
dailleurs
remettre
profondément
en
cause
la
conduite
de
Ted
et
Tony.
On
pouvait
craindre
un
fourre-tout
éprouvant
mais
Ferrara
nous
surprend
du
début
jusquà
la
fin.
Il
mixte
les
questionnement
les
plus
anciens
aux
réflexions
les
plus
contemporaines
et
laisse
le
spectateur
se
faire
une
opinion.
La
prouesse
réside
dans
le
fait
que
lénigme
reste
entière
et
intense
et
que
jamais
le
réalisateur
ne
cède
à
ce
sens
profond
de
pureté
et
de
sérieux.
Il
a
conçu
son
film
daprès
plusieurs
évangiles
gnostiques
(celui
de
Philippe
découvert
en
1945,
celui
de
Marie-Madeleine
même
),
fait
jouer
le
théologien
Yves
Leloup
qui
est
interviewé
par
Ted
(il
est
en
faite
son
double).
Il
y
a
quelques
années,
ce
même
théologien,
après
avoir
traduit
lévangile
de
Marie-Madeleine,
avait
demandé
à
Juliette
Binoche
dincarner
celle-ci.
Le
projet
na
pas
pu
se
faire
et
cest
plus
tard
que
la
comédienne
a
joué
ce
rôle
à
la
demande
de
Ferrara.
La
sérénité
quelle
transmet
à
chaque
instant
est
la
preuve
que
ce
rôle
signifie
bien
plus
pour
elle
quun
simple
personnage
de
fiction
à
interpréter
;
sa
pratique
de
la
méditation
qui
lui
vaut
de
fréquents
déplacements
à
Jérusalem
y
est
sans
doute
pour
quelque
chose.
Dans
le
battage
médiatique
actuel
des
films
commerciaux,
Mary
na
pas
la
«
pole
»
position.
Ce
film
nen
reste
pas
moins
une
uvre
exceptionnelle
et
un
événement
cinématographique
chrétien
quil
faut
voir.
Pierre
Nambot
haut
The
constant
Gardener
Réalisé
par Fernando
Meirelles
(USA), avec
Ralph Fiennes,
Rachel Weisz,
Danny Huston
de
2004, durée
2h08.
Justin
Quayle
(Ralph
Fiennes)
est un
jeune
diplomate
détaché
en tant
que membre
du Haut
Commissariat
Britannique
au Kenya.
Il est
passionnément
amoureux
de sa
femme
Tessa
(Rachel
Weisz)
avocate
et militante
pour les
causes
humanitaires
africaines
dont il
ignore
tout.
Lorsque
Tessa
est assassinée,
Justin
essaie
de comprendre
pourquoi
et par
qui elle
la
été.
Il naura
de cesse
de traquer
la vérité
et daccomplir
le travail
de son
épouse,
en guise
de pardon
ou plus
encore?
Ce film
est une
adaptation
du roman
de John
Le Carré,
écrivain
engagé
qui dénonce
dans ses
livres
les maux
du monde
occidental.
La réalisation
a été
laborieuse
car le
cinéaste
a choisi
un producteur
indépendant
(le Britannique
Simon
Channing
Williams)
qui ne
trouvait
pas de
financement.
Mais en
décidant
de faire
une uvre
modeste,
avec les
deux principaux
acteurs
qui acceptèrent
un cachet
minimal
et la
notoriété
du réalisateur
dorigine
brésilienne,
le film
a pu se
faire.
Après
un début
cinématographique
fulgurant
avec La
Cité
de Dieu
qui fut
nommé
aux Oscars,
Meirelles
réalise
ici un
très
grand
film.
Le cinéaste
se distingue
par lutilisation
dynamique
de la
caméra,
la mise
en scène
de la
vitalité
spécifique
des bidonvilles,
la narration
«
éclatée
»
et la
présentation
des couleurs
africaines
qui en
comparaison
rendent
tristes
celles
de lEurope.
Sa perception
aigue
et inventive
des choses
révèle
aussi
son originalité
et son
talent.
Il juxtapose
par exemple
en un
seul plan
la misère
des Africains
et lopulence
des Blancs
installés
en Afrique
; cela
fait frémir
!
Cest
une histoire
morale
et mystique,
notamment
sur la
fin, qui
nous est
présentée
sous la
forme
dun
thriller
captivant.
Meirelles
porte
un regard
sans concession
sur lexploitation
des Africains
par les
Occidentaux.
Comme
toutes
les uvres
politiquement
engagées,
nous pouvons
regretter
que certains
procédés
(pauses
dans le
déroulement
de laction
par des
discours
indignés
et des
à-coups
visuels)
rappellent
trop ceux
du racolage
polémiste.
Il nen
reste
pas moins
que cest
un film
important
à
voir pour
la beauté
des paysages
africains
et la
profondeur
de son
humanité.
Pierre
Nambot
Pour
un seul de
mes yeux
Réalisé
par DAvi
Mograbi (Israël),
sélectionné
hors compétition
au Festival
de Cannes
2005, durée
1 h 40.
Les
fêtes
de fin dannée
approchent
et comme
dhabitude
nous souhaitons
à
tous les
hommes de
vivre en
paix et
heureux.
Nos pensées
vont vers
le Moyen
Orient et
les cinéphiles
se souviennent
de ce dernier
film du
cinéaste
israélien
Mograbi.
Il sagit
dun
documentaire
engagé
sur la situation
en Israël
et en Palestine,
loccupation
militaire
et lIntifada,
la religion
et la politique,
la colonisation
et les attentats.
Le spectateur
reconnaîtra
dans le
titre du
film une
citation
de Samson,
personnage
biblique
qui invoqua
Dieu pour
avoir la
force de
se venger,
au moins
«
pour un
seul de
ses yeux
».
Samson anéantit
ses ennemis
mais périt
lui aussi
sous les
décombres
du temple.
Mograbi
nous rappelle
également
que les
juifs de
Massada
préférèrent
se tuer
que de se
livrer aux
assiégeants
romains.
Le cinéaste
réalise
son uvre
avec une
perspective
et un décalage
temporel
passionnants
: il filme
des touristes
israéliens
dans leur
rapport
à
lHistoire
du «
pays »
et se fait
filmer en
conversation
visiophonique
avec un
Palestinien
vivant dans
«
la misère
des territoires
».
Le cinéaste
joue de
son statut
de citoyen
pour harceler
les militaires
sur le droit
et le non-droit
de leur
mission.
Laccumulation
anarchique
des paroles
constitue
un recueil
historique
de réflexions
relatives
à
la tragédie
palestinienne,
au questionnement
sur la démocratie
et une critique
des médias
qui présentent
trop souvent
le contexte
de façon
réductrice
et manichéenne.
Finalement
le film
illustre
le paradoxe
de la situation
actuelle,
la cause
palestinienne
étant
proche de
celle pour
laquelle
les juifs
se sont
battus dans
le passé
: le droit
de vivre
pour chacun
dans la
liberté
et la paix
!
Le dire
et le montrer
comme le
fait Mograbi,
savoir quil
nest
pas le seul,
semble être
un espoir
prometteur.
Cest
le souhait
que je fais.
Pierre Nambot
haut
Le
temps qui reste
Réalisé
par François
Ozon, avec Jeanne
Moreau, Melvil
Poupaud, Daniel
Duval, Veleria
Bruni-Tedeschi
De
2005. Durée
1h25.
Romain
(Melvil Poupaud),
trentenaire
dans la force
de lâge,
est atteint
dun
cancer foudroyant.
Il écarte
sans hésitation
la solution
dun
traitement
lourd dont
la réussite
est plus quhypothétique
et décide
de passer
« le
temps qui
lui reste
» à
se réconcilier
avec lui-même
et à
ne pas à
être
regretté
par les autres.
Cest
une tâche
bien difficile
dont le spectateur
va suivre
les péripéties.
Sa grand-mère
(Jeanne Moreau)
est la seule
à connaître
son état.
Elle est dans
une situation
qui présente
des analogies
avec celles
de Romain
: distance
prise par
rapport à
la famille,
indépendance
et franc-parler,
rapprochement
avec la mort
car très
âgée.
Leur séparation
et la scène
dadieux
constituent
un des points
forts du film.
Ozon donne
une force
exceptionnelle
à la
dernière
rencontre
de ces survivants,
les acteurs
sont bouleversants.
La suite manque
un peu doriginalité,
les clichés
trop nombreux,
Melvil Poupaud
pas toujours
convaincant
dans ses accès
de violence
et de déprime,
flash-back
pas toujours
opportuns.
Les derniers
plans de la
fin sont par
contre exceptionnels
et peuvent
être
cités
sans priver
les futurs
spectateurs
de leurs effets
: étendu
sur le sable,
il se revoit
encore enfant,
la plage se
vide, le soleil
se couche
et disparaît
: cest
fini, la boucle
est bouclée
!
Les spectateurs
qui ont vu
Sous le sable
de ce même
réalisateur,
vont immédiatement
faire le parallèle.
Dans le premier
cas, cest
le refus daccepter
et de vivre
la mort de
lautre.
Ici, il faut
gérer
sa propre
mort. Ozon
aborde ce
difficile
et terrible
sujet avec
finesse et
sans excès
en mettant
en scène
un personnage
qui sinterroge
et nous interpelle
sur des questions
telles que
: Comment
vit-on quand
on sait quon
va mourir
? Quelles
décisions
doit-on prendre
? Quelles
sensations
éprouve-t-on
?
Cest
donc un mélodrame
initiatique
sur lacceptation
de sa propre
finitude.
Il peut nous
laisser dubitatif
pour au moins
deux raisons
: de la part
dOzon
nous pouvions
nous attendre
à un
film plus
élaboré
sur le plan
psychologique
notamment
et cest
un film centré
sur la disparition
de la «
chair »
qui conduit
au désespoir.
Cest
pourtant un
film à
voir pour
les réflexions
et les discussions
quil
suscite que
nous soyons
croyants ou
non.
Pierre Nambot
haut
Trois
enterrements,
Réalisé
par Tommy Lee Jones
avec lui-même
(Peter Perkins),
Barry Pepper (Mike
Norton), Julio César
Cedillo (Melquiades
Estrada), Dwight
Yoakman (Belmont)
Durée:
1 h 57.
Melquiades
Estrada, mexicain,
travaille clandestinement
dans un ranch
du Texas. Il est
tué et
enterré
précipitamment
dans un cimetière
public. Son ami,
Peter Perkins
nadmet pas
que la police
renonce à
ouvrir une enquête.
Il traque le meurtrier
et loblige
à faire
un long voyage
vers le Mexique
afin de donner
à Estrada
la sépulture
quil lui
avait promise.
Trois enterrements
nest pas
un western même
sil en possède
les caractéristiques
habituelles (rapport
à lespace,
au territoire,
à la nature
somptueuse
)
mais cest
un film sur la
rédemption,
qui pourrait se
dérouler
nimporte
où.
La 1ère
partie traite
de la société
moderne empreinte
de lâcheté
et de corruption
doù
laccumulation
de tensions et
de conflits. Le
réalisateur
utilise les caricatures
et les séquences
désordonnées
pour traduire
cette situation.
La suite, au contraire
linéaire
et lisse, se déroule
dans un décor
naturel impressionnant
où la rudesse
peut faire couler
beaucoup de sang.
Ici, lhomme
est au centre
avec les valeurs
ancestrales de
lOuest :
honneur, pardon,
rédemption.
La musique vient
couronner le tout
pour en accentuer
la sensibilité.
Au moment où
la frontière
mexicaine est
lobjet de
sombres projets
américains
(construction
dun mur),
Tommy Lee Jones
nhésite
pas à mettre
en lumière
lamitié,
la tolérance
et la compréhension
de ceux qui y
vivent de part
et dautre.
Il a bénéficié
du concours de
lexcellent
scénariste
mexicain Guillermo
Arriaga (auteur
du somptueux 21
grammes).
Pour son 1er film,
Lee Jones fait
preuve dune
très grande
maîtrise
de la caméra
en filmant les
immenses contrées
rocailleuses et
désertiques,
les rivières
vivifiantes
Nous pouvons seulement
regretter quil
utilise quelques
clichés
archaïques,
et des scènes
décalées
et récurrentes.
Un film toutefois
intéressant
pour ceux qui
ne recherchent
pas systématiquement
laventure
ou le western.
Pierre Nambot
haut
Joyeux
Noël
Réalisé
par Christian Carion
avec Diane Krüger,
Guillaume Canet, Benno
Fürman, Dany Boon
Durée:
1 h 55
En
1914, lorsque la guerre
surgit, elle emporte
dans son tourbillon
des millions d'hommes.
Arrive Noël avec
un événement
impensable: les combattants
vont laisser leur
fusil pour souhaiter
"Joyeux Noël"
à ceux d'en
face en échangeant
cigarettes, chocolat,
boissons
Il
ne s'agit pas d'une
fiction naïve
mais d'une histoire
qui a vraiment eu
lieu. Les faibles
moyens du réalisateur
ne l'ont pas empêché
de conter avec force
ces actes de fraternisation
entre adversaires.
A travers l'aide de
camp merveilleusement
incarné par
Dany Boon, Carion
nous place au cur
du film: l'horreur
et l'absurdité
de la guerre opposées
à la paix décidée
par les combattants
eux-mêmes au
milieu des victimes
du champ de bataille.
Le spectateur est
surpris et impressionné
par cette ambiance
mystique qui surgit
quand les armes sont
mises à terre
pour célébrer
Noël. C'est donc
un film d'espérance
qui nous est donné,
un film chrétien
qui démontre
par les faits que
l'impossible est possible.
Il
faut beaucoup de courage
à Carion pour
parler de fraternité
et d'amitié
entre les peuples
ennemis dans le monde
contemporain. Après
Une hirondelle a fait
le printemps, il récidive
dans la narration
au premier degré,
ce qui l'expose aux
railleries des critiques
institutionnels. Il
ose également
donner une place importante
au christianisme alors
qu'il est plutôt
de bon temps dans
le monde cinématographique
actuel de ne pas l'évoquer.
Gageons
que ce film aura beaucoup
de succès et
que le verdict populaire
ne tiendra pas compte
de ces critiques pour
ne retenir que la
dignité avec
laquelle il parle
de paix et d'humanité.
Pierre Nambot
haut
Free Zone
Réalisé par
Amos Gitaï (Israël) avec Natalie Portman, Hanna
Laslo, Hiam Abbas,
,
2005, durée: 1 h 30.
Une
Américaine, Rebecca
(Natalie Portman), se précipite
en larmes dans la voiture
d'Hannah (Hanna Laslo),
une Israélienne qui
va en Jordanie, dans la
Free Zone, pour y récupérer
une somme d'argent. Rebecca,
qui veut à tout prix
quitter Israël, arrive
à convaincre Hannah
de l'emmener avec elle.
Dans leur périple,
elles rencontrent une palestinienne,
Leila (Hiam Abbas) qui se
joint à elles.
Gitaï
nous invite à voyager
avec ces trois femmes comme
si nous étions dans
un véhicule militaire
qui parcourt le front: postes
frontières, contrôles
musclés
Après
avoir fouillé les
racines d'Israël, le
cinéaste se penche
sur les frontières
et les pays voisins. Les
barrières physiques
et mentales, qui existent
non seulement entre les
sociétés mais
aussi à l'intérieur
de chacune delles,
divisent le Moyen-Orient.
Le cinéaste estime
que pour combattre les conflits
et la haine, il n'est pas
nécessaire de se
concentrer sur des grandes
idées mais de s'attacher
tout simplement au quotidien
qui réunit les gens,
c'est le cas dans «Free Zone».
Le film est
un road-movie sur les langues,
les pays, les peuples ;
cest une métaphore
du conflit israélo-palestinien
à travers les trois
femmes : une américaine
chrétienne, une israélienne,
une palestinienne. Malheureusement,
ce thème majeur nest
pas analysé en profondeur
: l'ensemble plutôt
documentaire et anecdotique,
manque de densité.
Gitaï donne au spectateur
l'impression de se perdre
dans l'espace et dans le
temps avec pour résultat
un certain flou. L'épilogue
en palabre est assez cocasse
mais creux.
La situation
décrite de l'impossible
réconciliation manque
de conviction, toutefois
le travail musical, le jeu
des trois artistes et la
découverte des liens
entre les personnages, améliorent
sensiblement la qualité
du film.
Comme Gitaï
a réalisé
d'excellents films, faisons
preuve dindulgence
à propos de «Free
Zone» et encourageons
le à aller plus loin
la prochaine fois.
Pierre Nambot
haut
A history of violence,
Réalisé par David
Cronenberg (U.S.A.), avec Viggo
Mortenser, Maria Bello, Wimmiam
Hurt, Ed Harris
Sélection
officielle Cannes 2005. Durée:
1 h 35.
Une
famille américaine du Middle-west,
très unie, mène
une vie paisible. Le père,
Tom Stall (Viggo Mortenser) tient
un "dîner" (petit
bar-restaurant), la mère
Edie (Maria Bello) est avocate
et les enfants sont charmants.
Un jour, deux malfrats arrivent
au "dîner" pour
faire un casse, Tom se métamorphose,
riposte aux assaillants et les
tue. Tom est présenté
à la télévision
comme un héros particulièrement
habile. Cela attire d'autres malfrats
qui voient en lui le dénommé
Joey Cusak, frère de Richie
Cusack, le chef de la mafia de
Philadelphie. Dès lors
un suspens s'établit sur
la véritable identité
de Tom. Est-il un bon père
de famille ou un ancien criminel
qui aurait refait sa vie?
A history of violence
se lit au second degré
car, contrairement à ce
que laisse supposer le titre,
ce n'est pas un film qui présente
la violence pour elle-même,
mais qui analyse la façon
dont elle peut être gérée
en situation urgente et extrême.
Cronenberg nous montre que le
processus de construction identitaire
est par nature inconstant: nous
ne pouvons pas lui échapper.
Le réalisateur passe au
crible les pulsions et les fantasmes
ancrés dans l'homme où
ils suivent des chemins mentaux
impalpables, obscurs, donc souvent
incompréhensibles. Tel
un démon, la violence est
un mal qui s'immisce dans l'âme
et la chair.
Tom en est victime,
mais il apparaît comme un
personnage christique qui expie
et rachète ses fautes;
la scène finale est celle
de la rédemption. Pour
lever toute ambiguïté,
Cronenberg nous donne des repères
précis : la croix, la démarche
baptismale au bord du lac
De part sa réalisation,
le jeu des acteurs et le sujet
traité, ce film est un
chef d'uvre qui aurait mérité
une distinction au festival de
Cannes, fut ce celle du jury cuménique.
La violence, une réalité
bien dommageable de notre société,
aurait-elle dissuadé les
jurés ?
Pierre Nambot
haut
Match Point,
Réalisé par Woody Allen
(USA) avec Scarlett Johansson, Jonathan
Rys Meyers, Emily Mortmer
Durée:
2 h 03.
Depuis
une dizaine d'année, Woody Allen
nous propose des films assez lénifiants
et faussement guillerets. Match Point
signe un renouveau inattendu.
Chris Wilton (Jonathan
Rhys Meyers), un tennisman professionnel,
sympathise avec un riche fils d'une
grande famille bourgeoise londonienne,
Tom Hewitt (Matthew Goode) et épouse
sa sur Chloé (Emily Mortimer).
Chris jeune et ambitieux a une chance
inouïe et connaît une ascension
sociale fulgurante. Les choses se compliquent
quand il tombe éperdument amoureux
de l'ex-amie de Tom, Nola Rice (Scarlett
Johansson), actrice sans avenir, à
qui la chance ne sourit pas du tout.
Cette liaison intense et houleuse va
contrarier les plans de Chris et le
drame survient lorsque Nola est enceinte
et veut qu'il divorce et se marie avec
elle.
Avec une grande efficacité
et un certain cynisme, Allen fait une
analyse critique de la grande bourgeoisie
britannique où le conformisme
assure la cohésion. Rys Meyers
campe avec assurance un personnage qui
fait penser à Julien Sorel (arriviste rompu aux codes sociaux dans
Le Rouge et le Noir) et aux héros
névrosés de Dostoïevski
et ce n'est pas un hasard s'il est champion
de tennis! En lui comme en tout être
humain, le mal se tapie et la lutte
pour lui échapper est perdue
d'avance surtout, comme ici, lorsque
l'intelligence vacille devant la passion.
C'est un film bien construit
autour des différents rapports
qu'entretient Chris. Ces rapports tissent
une toile qui se tend progressivement
et se déchire brusquement, nous
gratifiant d'une conclusion imprévisible
sur le destin et la culpabilité.
Woody Allen a changé de style
mais le fond brille par l'absence de
morale: la vie serait comme une partie
de tennis, une question de hasard et
de chance où la bonté
n'a pas sa place. Ce n'est plus la jubilation
ironique habituelle, c'est un profond
désespoir.
Pierre
Nambot
Noces funèbres de
Tim Burton
Film d'animation réalisé
par Tim Burton en collaboration avec Michael
Johnson et les voix de Johnny Depp, Helena
Bonham Carter, Emily Watson. Durée:
1 h 15.
Une
famille de riches parvenus et une famille
aristocratique désargentée
décident de marier leurs enfants,
Victor et Victoria. Victor, tête
en l'air, a des difficultés à
réciter les vux. Honteux
et effrayé par le cérémonial
du mariage, il part dans les bois pour
s'exercer. Par un pur hasard, il réveille
une jeune mariée défunte
et va se trouver pris entre le monde
des vivants et celui des morts.
Tim Burton se sert d'une
symbolique histoire d'amour pour exprimer
la noirceur de la société
qui l'a marqué dès son
enfance. Il oppose les vivants avec
leur culture bureaucratique et répressive
et le territoire des morts qui représente
le côté créatif.
Il a vécu en contact avec une
communauté hispanique qui célébrait
la fête des morts dans la joie
et le divertissement; pour lui "le
royaume des morts ne devrait en aucun
cas évoquer l'enfer". Par
contre il reste marqué par la
vie aseptisée et conformiste
de Burbank, banlieue de Los Angeles,
où il avait l'impression que
même en plein jour, il était
"dans la nuit des morts vivants".
Ce qui intéresse
en fait Burton, c'est de savoir comment
traiter les névroses de l'enfance
et même de l'adolescence, occasionnées
par le carcan sociétal. Il aborde
aussi l'incompréhension entre
les parents et les enfants et, à
travers l'attitude effrayante d'un prêtre,
il s'en prend à l'Eglise en l'accusant
de jouer sur la culpabilité et
la peur et de délaisser la spiritualité.
Pour lui il faut faire une part importante
aux rêves sans oublier les responsabilités
qu'il faut assumer dans la société.
Son film manque un peu
de relief psychologique et l'abandon
de son style habituel en se rapprochant
de celui de L'étrange Noël
de M. Jack produit il y a plus de 10
ans, peuvent en décevoir quelques
uns. Néanmoins son ingéniosité
est toujours de mise car il n'est pas
donné à beaucoup d'enchanter
la mort en ces temps de formatage idéologique
où seules doivent exister beauté
et jeunesse. Il utilise la bonne vieille
technique "stop-motion" (animation
image par image avec des marionnettes)
au lieu de l'animation par ordinateur
ce qui donne un résultat époustouflant.
C'est une réussite
artistique indéniable qu'il faut
aussi voir pour son originalité.
Pierre
Nambot
haut
Film : " L'enfant ",
Réalisateurs: Luc et Jean-Pierre Dardenne,
avec Jérémie Rémier, Déborah
François, Jérémie Segard,
Olivier Gourmet. Durée: 1 h 35.
La vue d'un
landau fait immédiatement penser à
son occupant et au bonheur que ce dernier
va engendrer. Dans leur film, les frères
Dardenne nous amènent sur un chemin
bien différent, c'est même l'inverse
qui se produit: le bébé va être
la cause d'un drame. C'est une inhabituelle
dans la société occidentale.
Dans un premier temps le bébé
est considéré comme une marchandise
et devient l'objet d'un troc. L'auteur de
cette terrifiante transaction est le père,
Bruno. Mais qui est donc cet individu pour
échanger son enfant pour une importante
somme d'argent et qui s'étonne ensuite
du désarroi de sa compagne révoltée:
"Qu'est-ce que je t'ai fait?
Nous
en ferons un autre!".
Ce géniteur est lui-même
un enfant qui ne sait pas encore qu'un être
n'est pas un objet! Il est trop jeune pour
savoir en quoi consiste la responsabilité
paternelle et à fortiori pour l'exercer.
Ce qui intéresse Bruno c'est de vivre
librement au jour le jour et de s'adonner
à la course effrénée
à la possession interprétée
vécue comme la révélation
de sa place dans le monde. Avec ce sujet pourtant
fictionnel, Le spectateur est saisi par ce
qui se joue et pense avec effroi au délabrement
de la société occidentale obsédée
par l'acquisition de biens matériels,
en rupture avec la paternité et la
construction de la vie à deux. Cette
situation va tout de même avoir ses
limites: la vie de Bruno sera un vrai chemin
de croix, il va renaître et connaître
la rédemption.
Finalement le film avec ses
personnages christiques nous donne comme horizon
la Bonne Nouvelle! A ne pas manquer!
Pierre Nambot
haut
Film : «Caché»,
de Michaël Haneke avec Daniel Auteuil, Juliette
Binoche, Maurice Bénichou, Annie Girardot,
Durée 1 h 55.
À Cannes
2005: prix de la mise en scène, prix du jury
cuménique, prix FIPRESCI .
Une brave famille bourgeoise vit
au calme dans une petite maison rénovée
et confortable comme on en trouve quelquefois dans
Paris. Georges (Daniel Auteuil) travaille comme
journaliste littéraire à la télévision,
son épouse (Juliette Binoche) est dans une
maison d'édition; ils ont un fils encore
adolescent, Pierrot. Leur vie est partagée
entre un conformisme bourgeois et des idées,
voire des indignations sociales. Bref, il s'agit
de gentils bobos parisiens!
Un jour ils reçoivent une
cassette vidéo sur laquelle apparaît
leur maison filmée de l'extérieur
en plan fixe et les quelques mouvements d'entrées
et sorties. Il n'y a rien d'impressionnant mais
cela paraît interminable et une certaine inquiétude
naît dans la tête du spectateur. Au
fil des jours, les cassettes s'empilent et la panique
s'installe dans ce couple qui se sent épié
sans savoir qui est derrière ça et
pour quelle raison. Des dessins d'enfants morbides
vont aussi leurs parvenir
Michaël Haneke nous a habitué
à la problématique liée à
l'image et aux difficultés de la communication
de notre époque qui creusent le fossé
entre les uns et les autres. Ici le mal qui rôde
a transpercé le rempart des certitudes de
ces deux nantis pour poser un regard sur la vacuité
de leur quotidien. Paradoxalement, Georges, vedette
des médias (un clone de Bernard Pivot) n'accepte
pas qu'on le filme. Pourtant il est traqué,
y compris dans ses racines familiales, et le spectateur
devient complice de ce voyeurisme.
Le film est aussi une façon
de traiter de la nature de la vérité
et de montrer que le monde est exposé à
une sorte de barbarie diffuse qui atteint même
les milieux du savoir et de la culture. Toute la
question est de connaître les raisons de ce
harcèlement clandestin et angoissant à
moins qu'il s'agisse tout simplement de mettre à
nu la conscience de Georges et de nous montrer qu'il
faut gérer sa propre culpabilité même
si les difficultés sont grandes et accompagnées
de souffrance. Peut-être que Haneke, fils
d'une actrice catholique et d'un metteur en scène
protestant, a voulu aussi nous dire que Dieu était
dans son film, mais caché, "hors champ".
Un film à voir par tous car
ceux et celles qui ne feront pas la lecture au 2ème
ou 3ème degré apprécieront
le thriller!
Pierre Nambot
haut
Film : «Gabrielle», Réalisé
par Patrice Chéreau, avec: Isabelle Huppert, Pascal
Greggory, Claudia Coli
Durée: 1 h 30.
Un homme descend du
train. Il rentre dans sa somptueuse demeure au centre
de Paris, élégant et fier au point d'être
arrogant. Nous sommes en 1912, notre homme, Jean Hervey
(Pascal Greggory) accueille chaque jeudi avec sa femme
Gabrielle (Isabelle Hupert), la crème de la mondanité.
La bonne société s'amuse, les mots d'esprit
fusent souvent accompagnés de piques. L'ambiance
se veut gaie mais elle est malgré tout tendue car
le risque de perdre la face est grand.
Dans le luxe et la "grande pompe",
Jean et Gabrielle paraissent passer des jours tranquilles
et suffisants. Un séisme va pourtant bientôt
frapper leur couple et révéler un désarroi
profond. Gabrielle part un matin en laissant une courte
lettre. Elle revient le soir même mais Jean a pris
connaissance de la lettre. Il a fait le point avec lui-même
et sur les dix ans finalement passés sans amour.
C'est un vrai calvaire et sa douleur est d'autant plus
grande que son amour éclate au retour de la dame!
Pourquoi est-elle revenue? Que va-t-il faire?
C'est la clé de ce film adapté
d'une nouvelle (Le Retour) du polonais Joseph Conrad.
Le carcan des conventions bourgeoises de l'époque
plonge Jean et Gabrielle dans l'impossibilité de
se retrouver et vivre ensemble. La femme, à force
d'attendre d'être aimée autrement que comme
un objet d'art, se dessèche et se ferme, l'homme
brisé s'effondre. Ce problème, pour lequel
la situation peut s'inverser, est hélas bien d'actualité;
seules les raisons sociétales ont changé.
Ce film est un chef-d'uvre sur le
plan de la réalisation. La lumière, le passage
du noir et blanc à la brillance des couleurs nous
font vivre des compositions picturales dans lesquelles
Pascal Greggory et Isabelle Huppert apparaissent avec
un incroyable talent. La musique symphonique de Coran
Bregovic empoigne sans ménagement le spectateur
et les protagonistes et accentue le mutisme de cette liaison
née d'un malentendu. La modernité du film
est éclatante et la douleur intérieure belle
et forte, d'ailleurs peut-être trop de modernité
et trop de force pour ceux et celles qui ne veulent pas
ou ne peuvent pas faire l'effort d'affronter ce drame.
Il y a du lyrisme viscontien mêlé à
une analyse introspective d'un Bergman mais avec ce dernier,
une grande différence sous l'angle théologique:
Dieu ici n'est pas présent ou même "hors
champ", il est tout simplement absent!
C'est un film difficile mais à voir
surtout pour ceux qui s'intéressent à la
vie du couple et se passionnent pour les aspects psychologiques..
Pierre Nambot
haut
Film : «Broken Flowers», Réalisé
par Jim Jarmush (USA) avec Bill Murray, Jeffrey Wright, Sharon
Stone, Jessica Lange, Julie Delpy
Durée 1h 45.
Une lettre anonyme vient déranger
le confort tranquille de Don Johnstson, un quinquagénaire
casanier, en révélant l'existence d'un fils conçu
il y a 20 ans. Son sympathique voisin passionné d'enquêtes
policières le sort de sa léthargie et le lance
dans une recherche qui l'amène à rencontrer ses
ex-maîtresses.
Le film raconte le voyage initiatique de cet
ancien Don Juan fragile, peut-être même dépressif,
en manque d'une filiation. C'est une quête d'amour et
une lutte passagère contre l'individualisme et la platitude.
Jarmush s'amuse et use abondamment de repères
pour faire avancer cette démarche existentielle (machine
à écrire, couleur rose
) mais au lieu de
constituer un fil conducteur, cette prolifération de
signes donne tellement de sens qu'il n'y en a plus. Cette comédie
farfelue est assez séduisante par sa poésie et
son humanisme avec le fait de donner et recevoir. Le réalisateur
n'arrive pas à maintenir le niveau émotionnel
du début et son propos sur la société américaine
a ses limites, il aurait gagné à le rendre plus
incisif. L'humour décalé et le romantisme doux-amer
et plein de charme l'ont sans doute emporté dans l'attribution
du Grand Prix au Festival de Cannes 2005.
Pierre Nambot
haut
Film : «Les Ames grises», Réalisé
par Yves Angelo (France) avec Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret,
Denis Podalydes, Marina Hands. Durée: 1 h 46.
C'est l'hiver, Lysia arrive
dans un village situé à quelques kilomètres
de la ligne de front de la "Grande Guerre". Elle remplace
l'instituteur devenu fou et loge dans une dépendance du
château du procureur. Tout près, un infanticide a
lieu. Interviennent alors des personnages inquiétants:
le procureur cynique et secret (J-P Marielle), le juge Mierk
méchant et répugnant (J. Villeret) un policier
anonyme et pusillanime (Denis Podalydès), le Colonnel
Marziev cruel et sadique.
Tout se passe dans une atmosphère de grisaille
sans joie, sans amour, sans même aucun sentiment, les hommes
impassibles sont comme pris dans une folie intérieure.
Ils sont loin des tranchées mais ils font preuve de monstruosité,
jugeant tout et chacun dans une totale impunité. A l'opposé
apparaît le douceur des femmes innocentes et pour certaines
d'entre elles, victimes.
Le film d'Angelo, adapté d'un roman de Philippe
Claudel est un concentré bouleversant de noirceur et de
mélancolie. Il nous montre aucune image du front mais nous
nous rendons compte de l'horreur de la guerre et comme si cela
ne suffisait pas, un village dans la souffrance et l'injustice.
C'est la détresse dont le symbole est le procureur. La
fin laisse entrevoir de l'espoir en la vie et l'amour mais c'est
effleuré et donc insuffisant pour chasser le cauchemar
qui a gagné le spectateur. C'est dommage car le film est
excellent sur le plan cinématographique (les interprétations,
les plans, la lumière) et cela lui aurait donné
un équilibre et un sens positif. A déconseiller
aux âmes fragiles et déprimées!
Pierre Nambot
haut
Film : «Kilomètre zéro»,
Réalisateur Hiner Sallem, film Irak/France de 1h36. Interprètes:
Nazmi Kirik, Belcim Bilgim.
Nous
sommes en Irak, en 1988, au moment où Saddam veut s'imposer
à son voisin iranien. Mais le grand timonier moustachu en
profite pour débarrasser son pays du peuple kurde. Celui-ci
est considéré comme une sous-population bonne pour
les charniers, au mieux pour la chair à canon.
Arko, jeune Kurdistan iranien vit reclus dans un village de montagne
avec sa famille. Au cours d'une rafle il est enrôlé
de force. Il se voit ensuite confier une mission inattendue: ramener
la dépouille d'un soldat dans sa famille. Il va traverser
le pays avec un chauffeur arabe mais ne peut pas s'entendre avec
lui. Ils sont comme tous les Kurdes et les Arabes: actuellement
sur de mauvaises voies, ils devront un jour ou l'autre et malgré
eux, repartir à zéro.
Ce qui est un drame se mue en fable étonnamment drôle:
pérégrinations géographiques, facéties,
situations ubuesques. L'odyssée de ce cercueil dans un pays
désolé et dévasté par la guerre semble
être le prélude d'un effondrement à venir.
Hiner Salem a pris comme point de départ l'histoire de
son frère mais il domine son propre désespoir en mettant
son énergie et son enthousiasme à l'autodérision.
Son style à la fois tragique et comique, nous le retrouvons
dans Vive la Mariée et la libération du Kurdistan,
Vodka Lemon, fait penser à celui de Kusturica. Il y a bien
quelques scènes dont la naïveté peut nuire, surtout
à la fin, mais l'ensemble bénéficie d'un ton
baroque assez réjouissant et d'une énergie communicative
et mobilisatrice.
Pierre Nambot
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