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Numéro 187 - Mars 2005
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Questionner

Lire la Bible risque d’éloigner nos contemporains de la foi plutôt que de les y conduire, à cause d’un littéralisme qui en masque le message, voire le travestit. Ainsi les récits de Pâques ne racontent pas une histoire fantastique de revenant. Ils appellent à la liberté d’une vie nouvelle.

Lire les récits de Pâques aujourd’hui

La Mission de France est un diocèse français catholique étrange, sans géographie, mais avec un évêque bien à lui, 205 prêtres et des diacres. Ses fidèles: des hommes et des femmes qu’un de ses évêques appelle des «incroyants en Christ». Pourquoi donc cette dénomination? Dans notre pays pourtant de tradition catholique, énormément de gens n’ont jamais entendu parler du christianisme. Il n’est pas obligatoire de chercher à des milliers de kilomètres pour trouver des personnes sans aucune culture religieuse, que ce soit par tradition familiale, par refus systématique, ou par déception suite aux premiers contacts avec la religion. Nos synodes actuels, tout comme l’Église catholique, s’interrogent sur la possibilité de témoigner de l’Évangile auprès de tous ces gens.

Sans la résurrection, le message chrétien n’existe pas. Répon-dre aux questions et interrogations quant à la résurrection est donc primordial.

Témoigner de l’Évangile? Ou «transmettre la foi», comme il est dit dans le diocèse catholique de Lyon qui vient de se lancer dans une grande distribution de Nouveaux Testaments, digne des méthodes de certaines Églises évangéliques? Comment lit-on la Bible quand on la reçoit dans de telles conditions? Quelle compréhension en a-t-on? Comment s’inscrit-elle dans le vécu de celui ou de celle qui la lit? Sa lecture ne risque-t-elle pas de produire l’effet inverse de celui dont on rêve et d’éloigner plutôt que d’accueillir son lecteur?

Les échanges avec ceux qui se trouvent à la marge de nos cercles religieux ou cultuels sont toujours passionnants. Nous avons beaucoup à apprendre sur nous, sur notre capacité à communiquer en écoutant leurs interrogations, leurs doutes, leurs étonnements ou même leurs rebellions. Nous avons aussi à nous poser de nombreuses questions sur notre foi, sur son expression, sur notre rapport aux textes bibliques, sur notre capacité à l’ouverture. De telles rencontres sont toujours l’occasion de prendre conscience de la fragilité de nos discours et de la nécessité de fuir la fixité ou la rigidité dogmatique.

Parler de Pâques avec des non chrétiens

Prenons pour exemple les textes bibliques pour ce temps de Pâques. Ne risquent-ils pas de paraître incompréhensibles à ceux et à celles qui sont extérieurs à nos langages parfois trop spécialisés? Sans la résurrection, le message chrétien n’existe pas. Répondre aux questions et interrogations quant à la résurrection est donc primordial.

Affirmer que le tombeau de Jésus le Christ est vide et que cela prouve bien la vérité de ce que nous croyons serait un bien mauvais début pour une conversation sur le sujet avec beaucoup des non chrétiens. En déclarant que les textes, selon une lecture littérale que nous pourrions faire, racontent des faits, que Jésus est revenu en chair et en os, que son cadavre a repris vie, en ajoutant que nous ressusciterons nous aussi, après avoir traversé le noir du tombeau, et que nous reviendrons tels que nous sommes, faisons-nous autre chose qu’exprimer notre peur et devant la mort? Cette angoisse et le refus de notre finitude commandent souvent la lecture de textes concernant la résurrection ou la réincarnation.

Lire les textes bibliques sans se départir de nos facultés intellectuelles?

Comprendre les textes bibliques avec notre intelligence oblige-t-il à admettre que Dieu ne se manifeste que dans des actions irrationnelles? Nous serions alors assommés par une puissance incompréhensible qui nous dispenserait de toute réflexion et nous forcerait à plier l’échine, servilement, devant sa force. Dieu serait omnipotent, omniscient, maître de tout. Cette image de Dieu est certes présente chez les hommes qui se servent de leurs catégories habituelles pour dire leur relation à Dieu. Ils la pensent à l’image des relations entre humains, dominées par le pouvoir et l’égocentrisme. Chacun se trouve bloqué dans l’image qu’on s’est forgée de lui qui l’enferme comme un tombeau. Il n’a aucune possibilité qui lui donnerait l’espérance de sortir d’une telle situation. Nos textes bibliques sont souvent lus par des hommes qui interprètent leur rapport à Dieu selon ce modèle. Ils ne perçoivent alors qu’une face de Dieu, une face violente.

Les Écritures nous apportent bien plus que des renseignements historiques tendant à localiser Dieu dans le temps et l’espace ou que des essais tendant à le décrire. Elles nous enseignent la liberté et, peut-être même, la capacité de grandir, de rejoindre Dieu loin de toute religiosité et de tout rite. Cette liberté est offerte à l’homme Abraham qui part à la découverte de l’inattendu de son être. Il sort de sa famille, de son pays, il rejoint une autre terre: sa vie. Il découvre qu’il ne peut le faire qu’accompagné de cette confiance en ce qui est force en lui: un Dieu qui se manifeste à lui dans sa pensée, dans sa conscience et non dans des statuettes devant lesquelles se prosterner. Cette liberté est offerte à un peuple, à une communauté qui sort d’esclavage mais doit apprendre pendant de longues années d’errance ce à quoi la liberté oblige: être éduqué pour vivre les uns avec les autres, les uns pour les autres; sortir d’un état sauvage pour entrer dans une ère civilisée. Les prophètes du Premier Testament rappellent sans cesse cette liberté; ils luttent contre la facilité à retomber dans ces esclavages que sont les tentations de dominer, de soumettre les autres à son pouvoir, de vivre dans le culte de soi, d’éliminer autrui qui dérange. Le Nouveau Testament ouvre l’apprentissage de cette liberté à chacune, à chacun, individuellement, indépendamment de toute appartenance à un peuple. La vie croyante, dans ses choix plus que dans des événements racontés et interprétés théologiquement, et l’enseignement de Jésus de Nazareth permettent d’accéder à cette liberté d’enfant de Dieu.

L’appel à la liberté

Que veut dire enfant de Dieu pour un non chrétien? Comment lui en parler? Je dirais: en évoquant la possible accession à un état où on est responsable, où on est conscient de ses choix et de ses actes, où on se tient debout devant Dieu.

Que nous apprend Jésus? Que nul n’est exclu de l’amour de Dieu. Cet amour ne dispense pas des épreuves de la vie, mais il aide à trouver la force de les traverser. Jésus va au bout de son action quand il souligne que la loi de Moïse est un instrument pour aider l’homme à la liberté et non pas un outil pour l’asservir à Dieu. Lorsque nous disons avec le centurion: «cet homme était vraiment Fils de Dieu» (Mc 15,39), nous faisons confiance, nous avons foi en ce que Jésus est venu révéler de l’amour de Dieu; et alors la Parole, ouverture et espérance possible pour tous, ne peut être tue.

Les essais permanents pour faire régner le despotisme, le mal et le mensonge sur les hommes: voilà la fermeture et le silence du tombeau. Par son envoyé, son Messie, Dieu offre et donne l’assurance que la pierre qui ferme le tombeau peut toujours être roulée. Le tombeau devenu béant, vidé de la mort, laisse la Parole, le témoignage, courir le monde au gré des rencontres entre les êtres humains.

Peut-être ne faut-il pas chercher dans les Écritures un sens déjà inscrit. Peut-être devons-nous ouvrir nos vies à l’écoute des paroles et des rencontres des autres, partager leurs recherches, leurs questions et accepter de perdre la sécurité de nos discours trop bien charpentés. Peut-être, et même sans doute, Dieu se laisse-t-il rencontrer dans des échanges avec d’autres perceptions religieuses. Ainsi, la tendance actuelle à se concocter sa religion en puisant dans plusieurs confessions, loin d’être une horreur et une erreur, si elle n’est pas seulement signe de superstition, peut être l’annonce d’une nouvelle quête spirituelle . feuille

Florence Couprie

Les mots «ressusciter», «résurrection» appartiennent au patois théologique alors que les mots grecs qui sont dans la Bible sont des mots qui appartiennent au langage courant des gens de l’époque: se lever […] C’est un mouvement très concret qui est traduit par «ressusciter».

La résurrection est ainsi quelque chose de concret qui appartient à la vie de tous les jours. D’ailleurs la Bible en parle souvent au passé. L’apôtre Paul nous dit: «vous avez été ressuscités en Christ».

La vie éternelle est quelque chose que le Christ nous donne dans cette vie présente, ce n’est pas seulement une vie future (après la mort de notre corps), mais une vie présente qui est éternelle par certains aspects.

Marc Pernot, Petit dictionnaire de théologie

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