Âme fut pendant
des siècles l’un des termes les plus utilisés du
langage religieux occidental. Puis, vers 1950, les théologiens
l’ont pris en grippe, bientôt suivis par d’innombrables
prédicateurs soucieux d’insister sur le fait que notre être
ne serait pas formé de deux réalités distinctes,
l’âme et le corps, mais que nous sommes des personnes tout
d’une pièce. Et de s’en prendre à toutes les
représentations qui, au moment de la mort, voient l’âme
se séparer du corps. Ils désignent même un coupable
: Platon – mais un Platon que, pour la plupart d’entre eux,
ils n’ont jamais lu ou dont ils n’ont que de vagues souvenirs
datant de leur scolarité.
Qu’est-ce au fait que l’âme : une substance
ou une sorte d’organe qui existerait indépendamment de notre
corps ? Bien des manières de dire le donnent à penser.
Mais à tort. L’âme n’est pas une chose ; elle
n’est pas non plus à proprement parler une partie de nous-mêmes.
Elle est bien plutôt un aspect de notre personne, une tournure
de langage dont nous aurions bien de la peine à nous passer pour
dire ce que nous sommes ou pour penser non seulement à nous-mêmes,
mais aussi à notre prochain et surtout à notre relation
à Dieu. L’âme est cet aspect de nous-mêmes qui
échappe à notre emprise parce qu’il désigne
ce qui fait de nous des êtres en relation avec Dieu ou qui, pour
le moins, sont habités d’un sentiment ou d’une nostalgie
de l’Infini.
Du coup, des expressions comme « cure d’âme
» (de curare, prendre soin), « Foyer de l’âme
» retrouvent leur raison d’être, sans oublier l’«
âme » d’un violon, d’un violoncelle ou d’une
contrebasse – cette pièce de bois qui confère sa
sonorité à l’instrument. 
Bernard
Reymond