La Bible, particulièrement
dans le livre des Psaumes, fourmille de passages qui appellent la colère
de Dieu contre les méchants qui nous oppriment. Et, par voie
de conséquence, s’installe chez les fidèles une profonde
crainte de cette colère : leur propre injustice dont ils ont
bien conscience ne suscite-t-elle pas leur rejet par Dieu ?
Dieu, en effet, dans son souci fondamental de justice,
pourrait-il ne pas manifester en permanence sa colère contre
les hommes ? Et le sommet de cette colère supposée, nous
le trouvons décrit dans les sermons de Bossuet à propos
du vendredi saint : une colère la plus vive qui puisse être
le soulève contre son fils agonisant puisque, sur la croix, celui-ci
se substitue à nous et porte tous les péchés de
l’humanité. Aberration d’une théologie classique
exacerbée à un point extrême.
Tout ceci est sous-tendu par une vue anthropomorphique
d’un Dieu qui s’enflammerait comme un homme en face de ce
qu’il jugerait inadmissible. S’introduit alors dans notre
discours sur Dieu une rationalité toute humaine que met en défaut
un autre discours plus rassurant qui surgit çà et là
dans les deux Testaments, celui qui affirme la bonté incommensurable
de Dieu échappant à toute analyse trop précise
par notre propre raison.
Aux yeux de Dieu (et nous voilà à notre
tour glissant dans l’anthropomorphisme !), comment la bonté
serait-elle en contradiction avec l’idée de justice ? Et
a contrario comment l’injustice ne susciterait-elle pas une juste
colère ? Ce qui nous semble à première vue antinomique
le serait-il pour lui ? Ne nous fait-il pas tous justes, et gratuitement
? Ainsi nous nous trouvons oscillant entre deux séries de termes
: méchanceté humaine, colère de Dieu, crainte,
jugement, condamnation ou amour de Dieu, pardon, salut, gratitude, espoir
serein... 
Bernard
Félix