Les déboires du chercheur
Hwang Woo-Suk – accusé de tricheries – ne doivent pas
faire diversion : les recherches sur le clonage thérapeutique
obtenu à partir de cellules souches doivent continuer. Rappelons
que ces cellules d’un genre particulier sont ce que l’on pourrait
appeler des « cellules de base », présentes dans
les différents tissus du corps humain et capables de se différencier
en cellules différentes : cellules sanguines, musculaires, nerveuses,
osseuses, etc. Inconnue il y a encore quelques années, leur existence
constitue aujourd’hui l’une des données fondamentales
de la biologie. Sur le plan médical, l’intérêt
des cellules souches tient à leur capacité de reconstituer
des tissus malades ou endommagés. Celles qui ont le plus grand
pouvoir différenciateur – et donc thérapeutique –
se trouvent dans l’embryon. Le clonage thérapeutique en
est l’une des applications médicales les plus directes :
il consiste à injecter l’ADN d’un patient dans un ovocyte
prélevé sur une donneuse extérieure. À son
stade du blastocyte (petit amas de quelques cellules encore indifférenciées),
l’embryon obtenu fournira les précieuses cellules souches
réparatrices (L’embryon ne survivra pas à ce prélèvement.
D’où la question posée sur le plan bioéthique).
Outre qu’elle permettra de mieux comprendre les phénomènes
de différenciation cellulaire, l’étude du mécanisme
des cellules souches pourrait déboucher sur de nombreuses applications
thérapeutiques. À l’aide de quelques techniques simples,
et d’une certaine façon plus « naturelles »
que beaucoup de protocoles actuels basés sur des processus physico-chimiques
relativement lourds, on devrait pouvoir traiter dans quelques années
un certain nombre d’affections difficiles à soigner aujourd’hui,
comme certaines maladies dégénératives dues à
la mort des tissus (cardiaques, musculaires…). Par exemple la maladie
de Parkinson.
L’importance qu’il y a à poursuivre la recherche
sur les cellules souches est d’autant plus grande que les perspectives
thérapeutiques que l’on vient d’évoquer restent
encore largement à confirmer. En France, la possibilité
d’une telle recherche a finalement été autorisée
dans le cadre de la révision des lois de bioéthiques de
1994 qui, après plusieurs années de tergiversations, a
enfin pu être adoptée en 2004 par le Parlement. Mais cette
révision, fortement influencée par les conceptions personnelles
de l’ancien ministre Jean-François Mattéi, s’est
faite d’une manière extrêmement timide. Contrairement
à ce que demandaient de nombreux scientifiques, elle n’a
pas prévu la possibilité d’entreprendre des recherches
sur le clonage thérapeutique, pourtant autorisées dans
d’autres pays et dont le but n’a évidemment rien à
voir avec le clonage reproductif.
Pour diverses raisons, la Fédération protestante de
France (FPF) n’a pas été en mesure de se prononcer
d’une manière précise sur la révision des
lois de bioéthique, en particulier celles concernant le clonage
thérapeutique. On peut le regretter d’autant plus que ses
prises de position émises dans les années 80-90 avaient
été particulièrement bien inspirées. Tout
en appelant à la prudence et surtout à la responsabilité
de la société dans son ensemble, la FPF avait soutenu
ce qui est devenu aujourd’hui pratiques courantes mais qui, à
l’époque, avait été vivement combattu par
certains courants religieux : contraception, IVG dans le cadre de la
Loi Veil, procréation médicalement assistée, diagnostic
préimplantatoire, thérapie génique, etc. Autant
de pratiques médicales envers lesquelles la théologie
protestante estime ne pas avoir de réticences dès lors
qu’elles sont appliquées avec mesure et discernement. Devant
les avancées fulgurantes de la médecine et de la connaissance
scientifique, il est souhaitable que le protestantisme se remette au
travail et aborde l’ensemble de ces questions plus sérieusement.
Dans les années à venir, il faut s’attendre à
devoir répondre à d’autres questions plus délicates
encore que celle du clonage thérapeutique (Lire notamment le
remarquable petit ouvrage d’Henri Atlan, médecin et philosophe,
L’utérus artificiel, Seuil). 