Connaissez-vous la cagole
? Cette fille marseillaise, généralement jeune –
mais pas forcément –, toujours vulgaire – ça,
c’est obligatoire –, qui déambule nonchalamment dans
la cité phocéenne. Caricature ? C’est plus compliqué
que cela.
Entrons au pays de la cagole et, accessoirement, de sa
version masculine : le kakou. Pourquoi donc la cagole survit-elle à
toutes les époques et toutes les modes ? Pourquoi cette incarnation
de la vulgarité continue-t-elle à arpenter les rues ?
Pourquoi fascine-t-elle ? Au-delà de la séduction qu’elle
recherche, elle nous renvoie une image de nous-mêmes. En affichant
sa vulgarité elle devient un miroir questionnant. Qu’est-ce
qui en moi et en nous rabaisse l’humain, jusqu’à le
rendre aussi laid ? Les comportements que nous avons ou que nous encourageons
(voir certaines audiences de télé racoleuse) sont-ils
tous édifiants ?
La cagole opère comme un révélateur
social de nos fragilités. Elle attire mon regard comme la presse
dite « people » ou, pire, comme un accident sur le bord
d’une route. C’est de cela qu’elle tient sa force. Et
ce de tous temps, car la cagole est la faille, la zone d’ombre,
de la condition humaine. Allons jusqu’au bout : elle fait œuvre
de salubrité publique, car elle m’interdit l’orgueil.
Elle me renvoie à ma fragilité psychologique et sociale.
Face à cette réalité, le combat
est ardent. C’est celui de l’intelligence ! Cette arme pacifique
est aujourd’hui largement sous-exploitée. « Penser
» la vie, c’est aussi « panser » la société.
La foi n’est pas en reste. Les théologies de la facilité,
celles où l’on répète sans fin des phrases
toutes faites, des dogmes prétendument éternels, ne sont-elles
pas une expression de cette vulgarité ? Là encore, pensons
! Le libéralisme théologique serait-il l’un des derniers
remparts face à la « cagolisation » des Églises
et, plus généralement, de la pensée ? Il n’a
certes pas le monopole de l’intelligence, mais il continuera à
faire de l’intelligence de la foi l’un de ses principaux objectifs.

Jean-Marie
de Bourqueney