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Numéro 199 - Mai 2006
( sommaire )

Débattre

Quelle est la foi des protestants libéraux ?

Sollicité pour nous dire ce qu'il pense d’Évangile et liberté, Jacques Fischer nous a envoyé un texte, dans lequel il exprime ses doutes sur la foi des libéraux ; Louis Pernot lui répond.

Luthérien et fidèle lecteur d’Évangile et liberté, dont j’admire l’intelligence et la belle mise en pages, je n’appartiens pas à la mouvance libérale.

La pensée philosophique qui s’exprime dans ces pages m’apparaît parfois relever davantage des « idées », chères à Platon, que de « la voix vive de l’Évangile », chère à Luther. Je vois bien que la liberté consonne avec « libéral » ; mais demeure toujours la question de son usage, de son « mode d’emploi » : libre de dire « ma » foi au gré des fantaisies individuelles, ou bien libéré par la parole de Jésus-Christ, pour une parole en acte, fondée sur quelques certitudes. Je dois au respect de l’autre de dire ma certitude, provisoire peut-être dans son expression comme toute expression de la foi et qui prendra une autre forme demain. Mais le Christ demeure. Certes le langage évolue et notre perception du monde se modifie aussi. Le Christ du XXIIIe siècle ne sera pas celui de notre temps. Mais cela appartient au langage, non à l’essence même de la foi.

Jacques FischerPourquoi jeter le bébé avec l’eau du bain ? Je souffre en effet quelque peu lorsque, au fil des pages d’Évangile et liberté, j’ai l’impression que s’exténue l’événement et le fait de Dieu (résurrection, ascension…) Cet épuisement des « vérités » chrétiennes (car c’est la vérité qui vous rendra libres [Jn 8,32] et non la liberté qui vous rendra vrais) me semble dommageable. La liberté se reçoit de Dieu, elle ne se fabrique pas entre nos mains.

Je me demande par exemple souvent, lorsque mes frères et soeurs libéraux écrivent le mot « Dieu », de quoi s’agit-il ? Qu’en reste-t-il ? Une idée ? Je sais qu’il faut manier cela avec prudence, c’est l’impossible possibilité dont parlait Barth. Mais il faut bien « rendre compte de l’espérance qui est en nous » (1 P 3,15) et affronter cette difficulté : la foi me semble souvent avoir glissé dans nos mains comme le sable des plages. Cela dit, j’espère que nous trouverons tous ensemble le courage fraternel de cet affrontement. feuille

par Jacques Fischer

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Jacques Fischer est un excellent ami. Et je suis d’accord avec tout ce qu’il dit sur ses convictions, mais pas sur ses conclusions, ni sur ses jugements concernant Évangile et liberté.

Oui, c’est vrai, la liberté c’est bien, mais pour quel usage ? C’est vrai, l’expression de la foi peut évoluer et seul le Christ demeure et l’essence de la foi en Christ aussi. Bien sûr, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain... mais dirais-je, il ne faut pas non plus aimer l’eau du bain plus que le bébé. Toute la difficulté est là : où est l’essentiel, et où est l’accessoire ? Bien sûr aussi que les vérités chrétiennes ne doivent pas être vidées ou exténuées de leur sens, et c’est justement pour ça que nous croyons qu’elles doivent être réexprimées, ou réinterprétées, au risque de devenir simplement des vestiges antiques qui ne nous toucheraient plus.

Louis PernotBien sûr que c’est la Vérité qui nous rend libres et non la liberté qui nous rend vrais. Mais est-ce que cette formule séduisante ne cache pas la question fondamentale de savoir ce qu’est la Vérité justement ? La Vérité, c’est la Parole de Dieu, mais Dieu a parlé à des hommes d’une certaine époque, dans une certaine culture, dans un certain langage, et cette vérité doit pouvoir se dire et se comprendre dans notre temps d’aujourd’hui qui n’est plus ni celui des évangélistes, ni celui de Luther... À tout prendre sans nuance, on trahit l’idée se cachant sous le discours.

Quant à Dieu, bien sûr que ce n’est pas qu’une « idée » platonicienne ! Et je crains que notre ami, s’il comprend bien Luther, ait du mal à nous comprendre. Je le confirme : je crois bien en Dieu, ma foi est réelle, je ne construis pas ma vie de croyant et de pasteur sur du sable qui passe entre nos mains, ni sur une « idée », ni sur une sorte de subjectivité sans fondement, et toute notre action vise à exprimer l’espérance qui est en nous.

Ainsi donc, je ne pense pas qu’il faille envisager un affrontement, fût-il fraternel, mais peut être plutôt une volonté de se comprendre parce qu’il semble bien que ce soit effectivement souvent surtout une question de langage... feuille

par Louis Pernot

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