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Numéro 199 - Mai 2006
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Vincens Hubac nous rappelle qui était ce huguenot républicain, épris de justice et de paix, et rédacteur en 1795 de la première loi de séparation de l’Église et de l’État.

Boissy d’Anglas (1756 – 1826)

Peut-être parce qu’il a servi tous les régimes, on aime peu Boissy d’Anglas. On comprend mal comment un bourgeois protestant et provincial élu pour les États Généraux en 1789 se retrouve comte d’Empire, pair de France sous Louis XVIII, et meurt couvert d’honneurs en 1826 à son domicile parisien. On peut penser que l’homme est un « caméléon » qui n’a soigné que sa carrière politique. Les choses ne sont pas si simples. Au moins trois fois dans sa vie, Boissy d’Anglas a montré son courage et sa constance, en jouant précisément sa carrière, et même sa vie !

Un homme de paix et d’ordre

Lors du vote de l’assemblée sur le sort du roi Louis XVI en 1793, Boissy d’Anglas ne vote pas la mort du roi, situation inconfortable ! Il s’explique sur ce choix qui protège la France de réactions extérieures. Il a raison. La mort du roi sera en partie à l’origine des coalitions contre la France. Boissy d’Anglas n’est pas un démagogue.

 

Boissy d'Anglas. Gravure anonyme du XVIIIe siècle

Boissy d'Anglas. Gravure anonyme du XVIIIe siècle. Photo I. de Rouville, Musée virtuel du protestantisme français, www.museeprotestant.org

Après la réaction du 9 thermidor, et la chute de Robespierre, à laquelle Boissy d’Anglas a pris part, la famine frappe une fois de plus Paris et la foule envahit la Convention. Ce jour-là Boissy d’Anglas préside l’assemblée. Les manifestants en armes présentent la tête du député Féraud au bout d’une pique. Boissy d’Anglas salue la tête du député et ne se plie pas aux demandes de la foule ; il sauve ainsi la République au risque de sa vie.

Enfin, lui qui n’a pas voté la mort du roi, il sera l’un des plus ardents défenseurs des régicides au moment de la Restauration.

Ces trois histoires suffiraient à montrer l’intérêt du personnage. C’est une manière d’être qui se dévoile là, faite de courage et de justice. Boissy est un homme de paix et d’ordre. C’est peut-être là qu’apparaît son appartenance au protestantisme réformé. Cette manière d’être se retrouve dans son travail et son honnêteté (Boissy d’Anglas n’a jamais fait fortune).

C’est un esprit de justice qui l’anime

La République lui a fait confiance pour les destinées les plus hautes : procureur général syndic en Ardèche par exemple (sa terre natale : il vit le jour en 1756 à Saint-Jean-Chambre), il déjoua un complot royaliste, l’affaire « du Saillant ». Il présida la Convention. Il fut aussi rédacteur de la Constitution de l’An III. Il rédigea en 1795 la première loi qui pose le principe de liberté des cultes et de séparation de l’Église et de l’État, texte qui ne manque pas d’intérêt par sa clarté et sa modernité. Boissy d’Anglas, avocat de formation, a aussi défendu les prêtres réfractaires, parfois physiquement, comme en 1792 à Annonay. C’est toujours le même esprit de justice qui l’anime. Comment passer sous silence son combat pour l’abolition de l’esclavage, le rôle qu’il joue le 9 thermidor lors de la chute de Robespierre. Sa popularité est telle qu’il est élu dans plus de quarante départements au Conseil des Cinq-Cents ; il préside le Tribunat. Sénateur, il est nommé comte d’Empire puis pair de France trois fois de suite ! Il finit sa vie sous la Restauration, membre de différentes académies. Toujours protestant, il a fait construire le temple d’Annonay en 1808 et participe au Consistoire réformé de Paris.

Un républicain huguenot attaché aux principes de 1789

Boissy d’Anglas est un bourgeois libéral attaché aux valeurs de sa classe : la propriété, le travail, la liberté. Toutes formes d’oppression et d’injustice lui répugnent et, au fond, sa ligne politique a été constante. Il a toujours essayé d’appliquer les idées des maîtres de sa jeunesse : les philosophes des Lumières, Rousseau et Montesquieu en tête. Franc-maçon, Boissy reste un républicain attaché aux principes de 89. Contre la monarchie absolue, il a conduit la France vers une monarchie constitutionnelle. Il est bien là un homme du XIXe siècle, un grand descendant de ses ancêtres huguenots, et un prédécesseur de Guizot.

Après la célébration du centenaire de la loi de 1905, nous lui devions bien une page. Sa sagesse, ses engagements, sa foi peuvent être pour tous un exemple. feuille

Vincens Hubac

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