Peut-être parce
quil a servi tous les régimes, on aime peu Boissy dAnglas.
On comprend mal comment un bourgeois protestant et provincial élu
pour les États Généraux en 1789 se retrouve comte
dEmpire, pair de France sous Louis XVIII, et meurt couvert dhonneurs
en 1826 à son domicile parisien. On peut penser que lhomme
est un « caméléon » qui na soigné
que sa carrière politique. Les choses ne sont pas si simples.
Au moins trois fois dans sa vie, Boissy dAnglas a montré
son courage et sa constance, en jouant précisément sa
carrière, et même sa vie !
Un homme de paix et dordre
Lors du vote de lassemblée sur le sort du
roi Louis XVI en 1793, Boissy dAnglas ne vote pas la mort du roi,
situation inconfortable ! Il sexplique sur ce choix qui protège
la France de réactions extérieures. Il a raison. La mort
du roi sera en partie à lorigine des coalitions contre
la France. Boissy dAnglas nest pas un démagogue.
Boissy d'Anglas. Gravure anonyme du XVIIIe siècle. Photo
I. de Rouville, Musée virtuel du protestantisme français,
www.museeprotestant.org
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Après la réaction du 9 thermidor, et la
chute de Robespierre, à laquelle Boissy dAnglas a pris
part, la famine frappe une fois de plus Paris et la foule envahit la
Convention. Ce jour-là Boissy dAnglas préside lassemblée.
Les manifestants en armes présentent la tête du député
Féraud au bout dune pique. Boissy dAnglas salue la
tête du député et ne se plie pas aux demandes de
la foule ; il sauve ainsi la République au risque de sa vie.
Enfin, lui qui na pas voté la mort du roi,
il sera lun des plus ardents défenseurs des régicides
au moment de la Restauration.
Ces trois histoires suffiraient à montrer lintérêt
du personnage. Cest une manière dêtre qui se
dévoile là, faite de courage et de justice. Boissy est
un homme de paix et dordre. Cest peut-être là
quapparaît son appartenance au protestantisme réformé.
Cette manière dêtre se retrouve dans son travail
et son honnêteté (Boissy dAnglas na jamais
fait fortune).
Cest un esprit de justice qui lanime
La République lui a fait confiance pour les destinées
les plus hautes : procureur général syndic en Ardèche
par exemple (sa terre natale : il vit le jour en 1756 à Saint-Jean-Chambre),
il déjoua un complot royaliste, laffaire « du Saillant
». Il présida la Convention. Il fut aussi rédacteur
de la Constitution de lAn III. Il rédigea en 1795 la première
loi qui pose le principe de liberté des cultes et de séparation
de lÉglise et de lÉtat, texte qui ne manque
pas dintérêt par sa clarté et sa modernité.
Boissy dAnglas, avocat de formation, a aussi défendu les
prêtres réfractaires, parfois physiquement, comme en 1792
à Annonay. Cest toujours le même esprit de justice
qui lanime. Comment passer sous silence son combat pour labolition
de lesclavage, le rôle quil joue le 9 thermidor lors
de la chute de Robespierre. Sa popularité est telle quil
est élu dans plus de quarante départements au Conseil
des Cinq-Cents ; il préside le Tribunat. Sénateur, il
est nommé comte dEmpire puis pair de France trois fois
de suite ! Il finit sa vie sous la Restauration, membre de différentes
académies. Toujours protestant, il a fait construire le temple
dAnnonay en 1808 et participe au Consistoire réformé
de Paris.
Un républicain huguenot attaché aux principes
de 1789
Boissy dAnglas est un bourgeois libéral
attaché aux valeurs de sa classe : la propriété,
le travail, la liberté. Toutes formes doppression et dinjustice
lui répugnent et, au fond, sa ligne politique a été
constante. Il a toujours essayé dappliquer les idées
des maîtres de sa jeunesse : les philosophes des Lumières,
Rousseau et Montesquieu en tête. Franc-maçon, Boissy reste
un républicain attaché aux principes de 89. Contre la
monarchie absolue, il a conduit la France vers une monarchie constitutionnelle.
Il est bien là un homme du XIXe siècle, un grand descendant
de ses ancêtres huguenots, et un prédécesseur de
Guizot.
Après la célébration du centenaire
de la loi de 1905, nous lui devions bien une page. Sa sagesse, ses engagements,
sa foi peuvent être pour tous un exemple.