Laurent Gagnebin : Quelles sont les principales caractéristiques
du sikhisme ?
Raphaëlle Gras : Les sikhs sont les
disciples de Guru Nanak Dev Ji (1469-1539), qui fonda le sikhisme dans
l’état du Penjab dans le nord-ouest de l’Inde, et des
neuf Gurus qui lui succédèrent. Le mot sikh signifie disciple,
celui qui apprend. Un sikh suit les enseignements des 10 Gurus contenus
dans le Guru Granth Sahib, le livre sacré des sikhs, qui est
considéré comme un Guru vivant. Le sikhisme est une religion
strictement monothéiste. C’est davantage une orthopraxie
qu’une orthodoxie, davantage une pratique qu’une doctrine.
Dans le sikhisme, ce qui compte ce n’est pas d’abord l’appartenance
à une institution religieuse, mais c’est l’authenticité,
la vérité de l’attitude intérieure. Guru Nanak
Dev Ji n’accordait pas de valeur à la rigueur étroite
du formalisme et du ritualisme, l’essentiel étant la qualité
intérieure de la dévotion religieuse. L’acte de dévotion
principal consiste dans la vénération du Nom divin (Nam)
: le réciter et surtout se souvenir et se le remémorer,
c’est la méditation sur la nature de Dieu et c’est
le cœur de l’enseignement du Guru Nanak. Par cette pratique,
le disciple tente d’accéder au divin et à la délivrance
(Mukti), le but suprême de l’homme. La prière tient
une part importante dans le quotidien des sikhs ainsi que le chant dévotionnel.
Les sikhs mènent-ils un combat social ?
Durant sa vie, chaque sikh a plusieurs devoirs, les plus importants
sont le Seva et le Daswand, le service et la fraternité, pas
seulement à l’égard des membres de sa communauté,
mais pour l’humanité entière. Servir l’autre
par son travail, par des dons (nourriture, argent) ou par l’engagement
bénévole est considéré comme une manifestation
de fraternité qui est une valeur très chère aux
Gurus sikhs. De plus le sikh doit être tout à la fois impliqué
dans la vie sociale, familiale, professionnelle et dans la recherche
de l’union avec son créateur. La communauté sikh
est de ce fait très investie, en Inde comme à l’étranger,
dans la construction et le financement de projets sociaux, éducatifs
(écoles, hôpitaux, orphelinats…).
Quelle est pour vous l’importance du dialogue interreligieux
?
Guru Nanak, le fondateur du sikhisme, a passé une grande partie
de sa vie sur les routes de l’Inde, et au-delà de ses frontières,
à la rencontre d’autres communautés religieuses non
pas pour les convertir, mais pour partager et s’enrichir de leurs
messages spirituels. Guru Arjun, le cinquième Guru compila le
Guru Granth Sahib avec les compositions de ses prédécesseurs,
mais aussi avec les textes de saints et sages Hindous et musulmans.
Le Temple d’or à Amritsar est construit au milieu d’un
bassin qui est lui-même entouré de bâtiments sur
ses quatre côtés ; chaque côté du bassin est
accessible par quatre portes qui symbolisent les quatre points cardinaux
et les différentes religions qui sont toutes invitées
à se rencontrer dans de ce haut lieu de paix et de fraternité.
Depuis les débuts de la création de la Conférence
Mondiale des Religions pour la Paix, de nombreux sikhs se sont engagés
à défendre les valeurs de la paix au travers de diverses
actions menées par la CMRP.
Que représente Jésus pour les sikhs ?
Né en milieu hindouiste sous domination musulmane, le sikhisme
n’est entré en contact avec le christianisme qu’à
partir de la fin du XVIIIe siècle, avec la conquête anglaise
de l’Inde. Quelques conversions ont eu lieu, ce qui créa
à l’époque une certaine animosité des sikhs
à l’égard des chrétiens. Mais les temps ont
changé et certains sikhs voient dans le christianisme une religion
universaliste proche de la leur et peuvent voir dans le Christ un maître
semblable à Guru Nanak. 
Raphaëlle
Gras
Propos recueillis par Laurent
Gagnebin