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Numéro 211
Août-Septembre 2007
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Il dit alors : « À quoi est comparable le Royaume de Dieu ? À quoi le comparerai-je ? Il est comparable à une graine de moutarde qu’un homme prend et plante dans son jardin. Elle pousse, elle devient un arbre et les oiseaux du ciel font un nid dans ses branches. ».

De la moutarde, pour quoi faire ?
Luc 13,18-19

En quoi cette courte histoire nous renseigne-t-elle sur ce fameux Royaume ? Que pouvait bien vouloir dire Jésus en la racontant ? Certes, nous sommes placés devant les merveilles de la croissance : le Royaume se développerait aussi mystérieusement et aussi merveilleusement que la croissance de la végétation. Tant il est vrai que, depuis la plus haute antiquité, l’homme s’est façonné une culture qui juge le bonheur inséparable de la croissance. Et l’ensemble de la Bible en est imprégnée. Mais que va-t-on faire de ce vieux texte, maintenant que la croissance devient à bien des égards contestée, voire contestable, et qu’elle ne s’identifie plus à la réussite ? Faut-il le mettre au panier ?

Le thème de l’arbre qui se dresse bien haut et abrite les oiseaux du ciel est assez répandu dans la culture juive, on le retrouve par exemple chez Ézéchiel (17,22-24 ; 31,1-9) et aussi chez Daniel (4,7-15). Mais il s’agit, dans ces derniers cas, d’un beau cèdre immense qui domine la terre alentour. Dans le Premier Testament, comme dans la littérature rabbinique, les oiseaux du ciel symbolisent les nations païennes, les étrangers qui viennent se réfugier en grand nombre. Aussi l’interprétation classique de cette parabole consiste-elle à souligner que le Royaume de Dieu va s’étendre à toutes les nations du monde qui trouveront refuge dans un christianisme bienfaisant.

Nous devrions cependant lire la parabole plus rigoureusement. Elle ne dit pas que l’arbre, va s’étendre à l’infini. Elle dit que les oiseaux viennent s’y réfugier. C’est tout le contraire, car il ne s’agit pas d’une expansion mais d’une hospitalité. Il ne s’agit pas d’aller chez les autres imposer sa culture, mais de les accueillir chez soi. Avec cette toute petite graine qui devient rapidement un arbre. Luc, qui ne connaît pas la Palestine, ne sait pas que cette plante, courante sur les rives du Lac de Tibériade, ne devient pas un arbre, mais au mieux un arbuste d’environ 2 m de hauteur. Marc et Matthieu, plus avisés, disent seulement qu’elle devient la plus grande des plantes potagères. Juste assez haute pour faire de l’ombre aux autres plantes. Nous ne sommes donc pas dans la hauteur provocante du cèdre, mais dans la modestie d’une graine de moutarde qui se développe juste assez pour pouvoir accueillir les oiseaux du ciel, les étrangers, qui viennent s’y loger.

L’aventure biblique se déploie donc depuis le premier jardin d’Éden, qualifié de Paradis, jusqu’à cet autre jardin qui est comparable au Royaume de Dieu. En Éden, il était surtout question de savoir ce qui était bon à manger et séduisant à regarder. Dans ce nouveau jardin, on ne pense plus aux douceurs de la vie, on ne se demande plus si tel arbre est agréable à voir, on ne se demande plus si Dieu à autorisé ou défendu ceci ou cela, car il faut vite organiser une terre d’accueil pour ceux-là qui cherchent où passer la nuit. Autour de ce nouvel arbre, de hauteur très modeste, on se préoccupe surtout de faire de l’ombre pour ceux qui étouffent sous le soleil. Il ne s’agit plus de rêver aux grands cèdres dominant Israël, imposants par leur taille et leur beauté, et capables d’abriter tous les oiseaux du ciel. Non. Un petit arbre, sans prétention, à la mesure de nos moyens, qui ne paye pas de mine, qui n’a pas de beauté, ni de forme, qui ne fait pas concurrence à la majesté du cèdre. Il se voit à peine, mais il pousse très rapidement et peut abriter une partie de ceux qui errent sur la terre.

À quoi comparer le Royaume de Dieu ? À un jardin accueillant qui a été préparé pour que les oiseaux du ciel puissent venir habiter. Il risque d’être assez bruyant. Il se confirme bien que le Royaume de Dieu n’est pas le Paradis. On n’y est pas si tranquille. Et rien ne nous indique qu’il faille l’attendre jusqu’à la fin des temps. Parce que la moutarde pousse vite. Le Royaume est déjà là, venu avec les oiseaux qui ont envahi notre jardin. feuille

Henri Persoz

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