Les pains au chocolat
La boulangerie, le pain du soir.
Devant moi, 4 « ados » (aïe ?). « Bonsoir, M’dame,
ben comme d’habitude, hein, 4 pains au chocolat ».
Souriants, les loustics payent, remercient, déchirent allègrement
le fragile sac de papier soigneusement noué, et dévorent
sans désemparer, sans doute creusés par une séance
de sport, un match, puis repartent, gais, apparemment si « sympas
», si « bien dans leur peau ».
Qui ne se dirait, comme moi, la cliente d’après, un peu
mûre, et donc sans doute « plan-plan » : « Ah,
voici la jeunesse comme on l’aimerait, de bons petits gars bien
polis, etc., etc. ». Ouh, le piège ! Bien sûr qu’ils
sont aimables, ces mousquetaires du pain au chocolat, et que de les
rencontrer tard au coin d’un couloir de métro, même
pas peur !
Mais Paul avait raison, derrière Jésus, en affirmant
qu’il est dangereux de juger sur l’apparence : tous deux sont,
sans le savoir, des pionniers de la dénonciation du délit
de faciès, en langue néotestamentaire prosôpolempsia.
Ces quatre jeunes étaient-ils des « bons » ou peut-être
de ces dangereux dont il convient de se méfier, même s’ils
achètent gentiment leurs gâteaux ?
Je me suis souvenue de cette phrase étonnante de K. Barth, disant
que Dieu pouvait parler par le biais d’un concert de flûte,
du communisme russe, d’un bouquet de fleurs ou d’un chien
mort. Ce soir là, Il m’a peut-être dit que les «
jeunes » ne devaient pas être bloqués dans une image
confortable, figée.
Alors « flûte » pour l’image des ados enfermés
dans nos peurs ! Et un bouquet de fleurs pour celles et ceux qui s’en
occupent et leur font confiance ! Et un ban pour Dieu qui nous parle
aussi par le biais d’un pain au chocolat ! 
Christine
Durand-Leis