Au dix-septième siècle,
ont eu lieu des grandes querelles sur la prédestination. Elles
partent de l’affirmation de Paul : « C’est par grâce
que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient
pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les
œuvres. » (Eph 2,8-9) Faut-il en conclure que Dieu donne
son salut à qui il veut, sans tenir compte des sentiments, des
actions, de la valeur des uns et des autres ? Deux thèses, que
je simplifie, s’affrontent.
1. Selon la première, Dieu sauve les uns et damne les autres
indépendamment de leur personnalité. L’être
humain ne participe ni ne coopère en rien à son salut.
Cette thèse présente un Dieu apparemment arbitraire et
injuste (rien n’explique, à vues humaines, ses décisions).
Elle délivre le croyant du souci de son salut : il est l’affaire
de Dieu, nous n’avons pas à nous en inquiéter.
2. Pour la seconde, si Dieu donne le salut, l’être humain
reste libre de l’accepter ou de le refuser. La grâce est
offerte à tous, pas seulement à ceux qui la méritent
(personne n’en est digne), pas seulement à des « élus
» choisis sans raison particulière (du moins à notre
connaissance). Il appartient à chacun de l’accueillir ou
de la rejeter. Le salut vient de Dieu, mais ne devient effectif que
si nous le voulons bien.
La querelle aux Pays-Bas
Les deux courants s’affrontent durement aux Pays-Bas. On appelle
le premier gomariste, parce qu’il se réclame du théologien
Gomar (1563-1641) et le deuxième arminien parce qu’il trouve
sa source chez un autre théologien, Arminius (1560-1609). La
dispute n’est pas seulement théologique, elle a aussi des
aspects politiques.
En 1610, quarante-quatre pasteurs de tendance arminienne rédigent
une Remonstrance pour défendre leurs positions et critiquer celles
de leurs adversaires. En 1618-1619, un synode se réunit à
Dordrecht et les « remonstrants » y sont convoqués
en position d’accusés (ils sont « cités à
comparaître ») ; ils sont condamnés comme profanateurs,
perturbateurs de l’Église et ils sont démis de toute
fonction ecclésiastique. Ce synode rédige et adopte «
les canons de Dordrecht » qui servent jusqu’à aujourd’hui
de référence aux partisans d’une prédestination
stricte et rigoureuse. Les réformés français les
approuvent et les adoptent en 1620.
L’Égise des Remonstrants
Après une période de persécution, les remonstrants
sont autorisés en 1630 à former une communauté
indépendante (ils préfèrent dire « fraternité
» qu’ « Église ») qui subsiste jusqu’à
aujourd’hui. Petite par le nombre, elle est grande par son influence
: Grotius en a fait partie, Le Clerc (1657-1736) s’y est rattaché
; il est l’un des théologiens protestants marquant la transition
entre l’orthodoxie calviniste stricte et une pensée ouverte
à la critique historique et aux droits de la raison. Cette «
fraternité » a préservé les textes de Castellion,
elle a eu des contacts avec Spinoza. À travers les siècles,
elle a été le foyer d’un protestantisme libéral
joignant une profonde spiritualité à une pensée
religieuse hardie qui n’hésite pas à reconsidérer
les doctrines traditionnelles. Elle est résolument pluraliste,
elle admet plusieurs opinions en son sein, elle se veut ouverte et tolérante.
Cette Église comporte une quarantaine de paroisses (une dizaine
de milliers de membres en tout) localisées aux Pays-Bas. Elle
a un « séminaire », associé à l’Université
de Leyde, pour la formation de ses pasteurs. Elle est membre du Conseil
des Églises hollandaises, de l’Alliance Réformée
Mondiale, et du Conseil Œcuménique des Églises. Souvent,
dans des rencontres internationales, j’ai pu constater la très
grande parenté de vues entre les délégués
de cette Église et le courant que représente le mouvement
Évangile et Liberté. 
par André
Gounelle