Figure de traître
par excellence, objet dont on se sert pour observer à la dérobée
à travers une porte, le langage populaire a stigmatisé
Judas, l’un des douze disciples de Jésus. Les évangiles
le présentent comme celui qui a livré (et non trahi) Jésus
en le vendant pour trente pièces d’argent. A-t-il mal agi
? Je ne le pense pas. Je pense qu’il a voulu sauver son maître
du complot qui se tramait pour l’assassiner. Comment faire pour
préserver la vie de Jésus ? Je l’imagine fouillant
dans sa mémoire et se rappelant qu’un homonyme, Juda, l’un
des douze fils de Jacob, avait sauvé son frère Joseph
d’une mort programmée en le vendant pour vingt pièces
d’argent (Genèse 37). Si Jésus est en prison, Judas
imagine que la foule haineuse ne pourra plus rien contre lui. Certains
ont envisagé que Judas souhaitait un procès public pour
que Jésus se manifeste dans toute sa plénitude messianique
ou encore pour qu’il accomplisse les Écritures. Si tel était
le cas, Jésus n’aurait pas dit à son sujet qu’il
aurait mieux valu qu’il ne soit jamais né (Matthieu 26,
24). Il me semble qu’il essaie surtout de réitérer
la stratégie de Juda qui avait si bien fonctionné autrefois.
Je vois cette livraison de Jésus comme une mesure conservatoire.
Mais cette fois, cela ne fonctionne pas : Judas à livré
son maître dans la gueule du loup qui va le dévorer. Il
a manqué son objectif et lui-même se fait dévorer
par les remords. Il en mourra. Preuve qu’il ne suffit pas toujours
d’appliquer les bonnes vieilles recettes du passé.
Il me semble que Judas n’est pas tant celui qui
trahit que celui qui obtient le contraire de ce qu’il recherchait
; c’est celui qui n’arrive pas à accomplir le bien
qu’il voudrait et qui fait le mal qu’il ne voudrait pas. Maintenant,
si quelqu’un veut lui jeter la première pierre… 
James
Woody