Exercer l’autorité
implique d’en reconnaître son caractère fragile et
relatif. C’est à vouloir se guérir de cette vulnérabilité
essentielle, et croire pouvoir le faire, qu’elle dégénère
en pouvoir autoritaire et mortifère. Pour conjurer ces tragiques
dérives, je pense que l’exercice de l’autorité
doit toujours assumer deux dimensions.
La première c’est la force d’énonciation
et de persuasion de ceux qui personnellement ou collégialement
l’exercent. On voit bien comment l’autorité passe par
le charisme des personnes, leur qualité relationnelle, le courage
et la cohérence de leurs engagements, la crédibilité
de leur parole. Ainsi on attend du prédicateur une capacité
d’écoute et une parole convaincue dans laquelle il se risque,
de l’homme politique un projet visionnaire nourri de convictions
fortes.
La deuxième dimension c’est tout ce qui contribue
à faire de l’autorité, une autorité partagée
impliquant une dimension coopérative. Elle s’exprime à
travers les lieux de débats, les références traditionnelles,
les médiations institutionnelles. C’est-à-dire tout
ce qui protège l’exercice de l’autorité des
dérives personnelles, des débordements subjectivistes,
des autoritarismes abusifs, sous couvert parfois de prophétisme.
Ces deux dimensions sont indispensables parce qu’elles
se corrigent mutuellement. La première, si elle est seule, va
prendre la figure du chef qui se coupe des citoyens, ou celle du gourou
qui ne s’appuie plus sur aucune régulation institutionnelle
et qui joue sur le registre de la séduction et de la manipulation.
Quant à la seconde, en l’absence de la première,
elle risque de faire dériver l’exercice de l’autorité
vers la seule conservation d’un pouvoir, réduit à
son expression institutionnelle, administrative ou bureaucratique.
On perçoit l’actualité des enjeux
liés à cette articulation, au plan ecclésial, comme
au plan politique. Elle protège l’autorité de ses
dérives et lui permet de renouer sans cesse avec son étymologie
: être capable de faire grandir. 
Michel
Bertrand
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: 4. L’autorité
dans l’Église