La désaffection
de nos temples a-t-elle pour cause l’opacité de nos liturgies
? L’écart entre ce qui est véhiculé dans nos
cultes et la pensée d’aujourd’hui ne devient-il pas
un gouffre ? Oui, l’offre est trop loin de la demande, et la liturgie
se réfère à un corpus théologique d’un
autre temps !
Protestant réformé par héritage,
tombé tout petit dans l’ERF, je m’en suis absenté
pendant près de 30 ans pour y revenir à 60 ans passés
(groupe sociologique des « revenants ») jusqu’à
être le trésorier du conseil presbytéral. Et même
si l’air des cantiques est imprimé définitivement
sur mon disque dur interne, je me demande pour finir si je comprends
grand chose à ma religion.
Pour ne pas mourir idiot, je me suis mis à explorer
les sites internet religieux, je me suis abonné à des
revues : Réforme, Évangile et liberté, Théolib,
les Réseaux des Parvis…, je lis de grands auteurs : A. Nouis,
A. Gounelle, J.D. Causse, A. Houziaux, L. Basset, R. Picon, L. Gagnegin,
D. Sibony, M. Serres, R. Debray, M. Onfray, Benoît XVI… et
j’en passe et des meilleurs. Je me suis même risqué
à Théovie. Dans l’élan, je suis devenu prédicateur
laïc et je participe avec assiduité aux formations organisées
par le Consistoire et la Région !
Et, oh surprise, je découvre une richesse de réflexion,
une exploration de nouvelles pistes théologiques, une modernité
passionnante (ah ! la théologie du Process !) qui me donnent
envie de réfléchir, de travailler, d’aller plus loin…
Cependant, l’angoisse me prend quand il s’agit
de préparer un culte. Non à cause de la prédication
où j’exerce une liberté de parole que j’aime.
À cause de la liturgie.
Bien sûr, je respecte le déroulement de
la liturgie jaune puisque c’est la règle. Avec un peu d’humour
et de provocation, un déroulement que je traduirais comme cela
:
après avoir eu la prétention de parler
au nom de Dieu (proclamation de la Grâce), au nom des «
fidèles », je flatte Dieu, car on ne sait jamais (la Louange).
Puis quand je crois ne plus rien risquer, (Dieu, Tu as vu comme je t’admire),
je me reconnais pécheur, à ras de terre d’humilité
(la Repentance). Car, c’est bien connu, je ne peux être que
pécheur, je ne vis que par le mal que je fais. Le Péché,
c’est mon identité ! Mais je suis tranquille : ça
me donne droit au Pardon. Dieu me parle une fois de plus : chaque dimanche,
je décide qu’Il pardonne mon péché (pour éviter
ce mot, prendre au choix : mes péchés, mes fautes, mes
erreurs… mes ratages de cible.) Et pour faire bon poids, j’ai
droit à une piqûre de rappel de la Loi (sa Volonté),
car j’ai la mémoire courte. Maintenant que nous sommes purs,
je Le prie d’ouvrir nos oreilles (on en a bien besoin) pour discerner
Sa Parole.
Vient alors le one man show de la prédic, pas
plus d’un quart d’heure, dix minutes c’est mieux, pas
trop compliquée : une ou deux idées, pas plus si on a
envie d’être écouté. Après, pour remettre
les pendules à l’heure (gare aux effets d’une prédic
!), on se met à la Confession de Foi. Surtout pas le Symbole
des Apôtres : il y est question d’un Dieu tout-puissant et
d’un Jésus qui passe par l’enfer. Là, il faut
poétiser. Ensuite l’Offrande, dite joyeuse avec son aumônière
noire, vient à pic pour respirer un coup tout en donnant ses
pièces jaunes (les initiés, eux, cotisent par chèque).
Et puis l’Intercession, le moment où peut-être on
se sent communauté (veiller à remplacer l’automatisé
« Notre Père » par celui de M. Alause, effet de surprise
garanti).
Enfin l’Envoi et la Bénédiction rassurent
tout le monde et clôturent le rituel et son confort. J’oubliais
que cette cérémonie est ponctuée de mouvements
de foule : des assis-debout rythmés par des spontanés,
des cantiques au contenu parfois déroutant tant il est archaïque,
mais gare au flop d’un nouveau chant !
Si le culte est le point d’orgue de notre religion
au sens étymologique (controversé) de « ce qui fait
lien », n’avons-nous pas, en urgence, à revisiter,
à réinventer sa liturgie ? 
Ivan
Mikolasek