DIRE LA PAROLE
par le pasteur
Pierre Joudrier
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Chapitre II : VERS UNE ÉCRITURE SAINTE
I- Le Dire prend figure
Toute trace d'une fixation matérielle
des premières traditions des Hébreux faisant défaut,
on admet qu'elles ont été conservées oralement
pendant plusieurs générations. Puis vint un temps où
il fut possible de les fixer de façon objective sous forme
d'une écriture.
Mais c'est vraisemblablement sous le règne de David que, grâce
à l'invention de l'écriture alphabétique, ces
traditions furent transcrites dans une forme très voisine de
celle que nous connaissons.
Le Livre de la Genèse fait mention du « Livre de famille
d'Adam » (Genèse 5, 1) mais il ne s'agit sans doute pas
d'un véritable registre d'état civil !
Le premier ordre d'écrire se trouve dans l'Exode. Après
le combat contre Amalek, Yahvé ordonne à Moïse
: « Consigne cela comme souvenir dans le Livre et mets-le aux
oreilles de Josué : Pour effacer, j'effacerai le souvenir d'Amalek
de dessous les cieux » (Exode 17, 14).
Cette Parole consignée dans le Livre pèsera lourd sur
la destinée des Amalécites, sans doute jusqu'à
leur disparition sous le règne d'Ezéchias (I Chroniques
4, 42-43 ; Psaume 83, 6-13).
Le Rabbinat Français traduit le verbe hébreu par «
consigne… » et non par « écris… »
comme on le fait généralement. Consigner veut dire :
« avec des signes... » On pourrait traduire ainsi : «
Avec des signes, fixe ce que je t'ai dit afin que ce dire se perpétue
aux oreilles de Josué et aussi de mon peuple ».
On pourrait également se servir du verbe « configurer
», puisque l'on écrivait alors au moyen de « figures
». En effet, à l'origine de l'écriture, on représentait
les choses ou les êtres au moyen de dessins figuratifs qui les
évoquaient. Ces dessins furent progressivement stylisés
pour devenir des « signes ». Au moyen de ces figures ou
de ces signes, il était possible de « configurer »
ou de « consigner » le dire des hommes.
Mais une telle écriture exigeait autant de signes que de mots
connus avec toutes les complications rencontrées pour exprimer
les idées et les choses abstraites.
Les Phéniciens, vers l'an mille av. J.C., eurent une idée
géniale : ils remarquèrent que tous les mots existants
se prononçaient oralement au moyen d'un nombre très
restreint d'articulations.
Ils en discernèrent 22. Elles allaient servir à transcrire
tous les sons composant les mots de leur langue.
(On nomme aujourd'hui ces articulations des « consonnes »
car elles ne peuvent «sonner », c'est-à-dire se
prononcer, seules, mais seulement avec le secours des voyelles. En
elles-mêmes, elles sont imprononçables.)
Ayant déterminé ces 22 consonnes, ils attribuèrent
à chacune d'elles la figure stylisée ou le graphisme
d'un mot commençant par cette consonne.
Par exemple, en hébreu, la maison se dit Beth. Ils prirent
le dessin de la maison pour figurer la consonne B. De même la
porte se disant Daleth, le dessin de la porte servit à représenter
la consonne D.
Mais dans certains mots, les voyelles se prononcent seules, sans consonne
d'appui. Pour leur servir de support, ils choisirent le dessin de
mots commençant par une voyelle.
Ainsi pour la première consonne de la liste : Aleph, c'est-à-dire
le taureau. Le dessin d'une tête de taureau va servir de support
à plusieurs voyelles. Finalement il deviendra notre A actuel.
Première consonne : Aleph ; deuxième : Beth. En passant
par le grec, ces deux premières consonnes nous donnent le mot
Alphabet.
Le plus souvent la racine fondamentale des mots hébreux est
représentée par trois consonnes. C'est pourquoi ces
racines hébraïques sont dites « trilittères
».
Leur fonction est seule prépondérante. Les voyelles
expriment simplement des variations de l'idée fondamentale
figurée par les trois consonnes.
Dans les textes sacrés, seules les consonnes sont écrites.
Aujourd'hui encore, à la Synagogue, les lectures bibliques
se font obligatoirement dans des rouleaux manuscrits ne comportant
que les consonnes. Les voyelles n'y figurent pas.
Ce détail est instructif. En effet ces manuscrits peuvent être
considérés, par les fidèles, comme étant
la transcription écrite du Dire de Dieu.
Mais sans voyelles, ce texte est imprononçable. L'attention
du lecteur est donc sollicitée pour chaque consonne, pour chaque
syllabe, pour chaque mot, pour chaque proposition pour rétablir
non seulement la prononciation des mots, mais également le
sens du texte qu'il lit.
Ainsi la lettre écrite de la Parole de Dieu ne peut, en aucun
cas, se passer de la voix, ni de l'intelligence du lecteur. Seule
la participation de l'homme permet aux consonnes de l'Écriture
de « sonner » correctement et donc d'être entendues.
Or sur les mêmes consonnes il est possible de mettre des voyelles
différentes, ce qui amène des changements de sens du
texte…
C'est pourquoi il a paru bon, vers le VI° siècle de notre
ère, de fixer la « vocalisation » des consonnes
par un certain nombre de petits signes appelés « points
» placés au-dessus, au milieu, ou sous les consonnes.
Ce fut l'œuvre des Massorètes, nommés aussi punctatores,
dont le travail se poursuivit jusqu'au X° siècle.
Ainsi à travers ces 22 SIGNES ou FIGURES, la Parole de Dieu
exprimée dans un Dire a-t-elle pu être « consignée
» ou « configurée » dans une Écriture,
mais une Écriture qui ne peut se passer de la voix humaine
pour être lue et entendue.
Les Dix Paroles
Au XIII° siècle av. J.C., même s’il savait
écrire, Moïse ne disposait pas d’une écriture
alphabétique pour consigner les Dix Commandements ou plus
exactement : les Dix Paroles (Exode 34, 28). En outre, le livre
de l'Exode fait état de deux traditions différentes
:
1- Moïse a écrit lui-même sur les Tables de pierre
: Exode 24, 3-4 ; 34, 27-28.
2- Ces Tables ont été écrites du doigt de Dieu
: Exode 24, 12 ; 3l,8 ; 32, 16 ; 34, 1.
Qu'il s'agisse des premières Tables, brisées par Moïse,
ou des secondes, la même ambiguïté subsiste…
Un récit de l'Exode offre peut-être une indication
intéressante : lorsque les magiciens de Pharaon ne sont plus
en mesure d’accomplir les mêmes signes que ceux exécutés
par Aaron, pris de panique, ils s'écrient : « C'est
le doigt de Dieu ! » (Exode 8, 15)
Les SIGNES faits par Aaron sont donc perçus par les magiciens
comme étant exécutés par le doigt de Dieu,
un doigt qui désigne une réalité essentielle
et vitale pour Pharaon et son peuple.
Le doigt de Dieu « avertit » l'homme. Les signes avertissent
ceux qui les perçoivent et les comprennent.
Or Pharaon endurcit son cœur. Il n'écoute ni les signes,
ni Aaron, ni Moïse, ni ses propres magiciens. Il va vers sa
perte.
Peut-on risquer une analogie ? Avec son bâton, Aaron fait
des signes. Ils sont reconnus par certains comme étant le
Doigt de Dieu.
Avec son burin, Moïse grave des signes dans la pierre. Dans
la foi, le peuple va reconnaître que ces signes sont le Doigt
de Dieu. L'une des traditions met l'accent sur l'oeuvre de Dieu
L'autre, sur l'oeuvre d'un homme que Dieu s'est choisi pour graver
sa Parole.
Si cette analyse n'est pas fausse, nous devons nous demander sérieusement
si l'équation, si souvent avancée, Écriture
Sainte = Parole de Dieu, est pleinement satisfaisante.
De toute manière, l'homme ne peut pas être mis entre
parenthèses. Même si nous donnons au Saint-Esprit la
place prépondérante qui, de toute façon, lui
revient, celui-ci n'agit pas sans l'homme, mais avec l'homme et
pour l'homme.
Inciser pour écrire
En hébreu, deux racines servent à désigner
l’écriture :
1- KThB : écrire, d'où : écriture, écrit,
caractère, signe.
2- SPhR : écrire, compter, d'où : livre, registre,
lettre, écriture écrivain, secrétaire ou scribe.
En français, notre verbe « écrire » vient
d'une racine indo-européenne sker- signifiant : gratter,
inciser. A travers le grec, elle nous a donné : scarifier.
A travers le latin : écriture, manuscrit, inscription, scripturaire…
Le grec a préféré la racine graph- signifiant
« égratigner ». Elle donne en français
: greffe et elle a servi à former de nombreux mots en «
graph… » ou en « gramm… » comme orthographe,
grammaire et même gramophone.
Le sens premier de ces racines montre bien qu'à l'origine
l'écriture avait pour support un matériau assez tendre
: argile, pierre, foie séché, que l'on gravait à
l'aide d'un outil, d'un coin, d'un style, permettant d'inciser ce
support. Mais cet outil était guidé par la main et
par l'intelligence de l'homme. Ainsi il a pu transcrire par des
figures, des signes, puis des lettres ce qu'il percevait de la Parole
de Dieu ou bien ce qu'il avait reçu de la tradition des Pères.
II- Une Écriture sainte ?
Cette expression d' Écriture Sainte est formellement attestée
par Saint Paul au début de l'Épître aux Romains
: « Cet Évangile déjà promis par les prophètes
dans les Écritures Saintes concerne Son Fils » (Romains
1, 2). Paul fait ici référence à l'Ancien Testament.
Jérémie s'était servi d'une expression voisine
: « Je suis comme un homme ivre face à Yahvé,
face à ses Saintes Paroles » (Jérémie 23,
9).
Pour les juifs comme pour les premiers chrétiens, le caractère
sacré des Écritures est rendu manifeste par les références
constantes à la Parole écrite.
« Comme il est écrit dans l'acte de la Tora de Moïse
que Yahvé a ordonné pour dire : Les pères ne
seront pas mis à mort pour les fils… » (II Rois
14, 6).
Le caractère sacré de la matérialité de
l'Écriture apparaît également dans le fait que
seuls des rouleaux manuscrits peuvent être lus à la Synagogue.
Dans ces manuscrits le nom de Yahvé est écrit légèrement
au-dessus de la ligne. Pour l'écrire, le scribe s'est servi
chaque fois d'une plume neuve. Le lecteur à la Synagogue suit
la lecture au moyen d'une petite main d'argent. Ainsi s'opère
un transfert de la sainteté de la Parole de Dieu à la
sainteté de l'écriture de cette parole.
Les rédacteurs du Nouveau Testament font également très
fréquemment référence au texte et à l'autorité
de l'Ancien Testament. Cela laisse supposer qu'ils lui reconnaissent
aussi ce caractère sacré. Mais on trouve aussi dans
le Nouveau Testament lui-même le nom d'Écriture relié
à des textes qui lui appartiennent. Par exemple pour les lettres
de Saint Paul ou dans la seconde épître de Pierre 3,
16.
Dès le II° siècle, des paroles de Jésus sont
citées comme « Écriture », par exemple Barnabé
4, 4 ou II Clément 2, 4. A partir d'Irénée, l'usage
se généralise de désigner par Écriture
Sainte l'ensemble des deux Testaments.
Les chrétiens n'ont sans doute pas échappé à
une certaine sacralisation de la matérialité des Écritures,
et même les protestants…C'est pourquoi il conviendrait
de nous mettre d'accord sur le sens du mot « saint ».
Dans son acception première il s'agit d'un mot tout simple.
II signifie « mettre à part… ».
Si un homme « sanctifie son champ à l'Éternel…
», tout ce qu’il récoltera sur ce champ sera consacré
au Seigneur (Lévitique 27, 16). Ainsi, en puissance, tout ce
qui pousse appartient déjà à Dieu. Impossible
de s'en approprier même un épi, sans léser Dieu
lui-même !
Petit à petit on passe de l'idée de « mis à
part » à celle de « tabou » ou de «
sacré » telle que nous l'entendons aujourd'hui. Ce qui
est mis à part pour Dieu ou par Dieu est « saint ».
Toutefois il est possible de contester l’auto-justification de
la sainteté de l'Écriture par l'Écriture Sainte
elle-même. Nombre de paroles et de textes des deux Testaments
ont été reçus par les communautés juives
ou chrétiennes bien avant d'être enfermés dans
un Canon. A preuve les écrits deutérocanoniques qui
différenciaient jadis les bibles « catholiques »
des bibles « protestantes ».
Les rabbins fixèrent leur canon, les chrétiens firent
de même. A travers ces livres ainsi « mis à part
» nous reconnaissons, dans la foi, que le Seigneur les a choisis
de façon préférentielle afin de nous faire «
entendre » sa Parole.
Ainsi la puissance et l'autorité de l'Écriture Sainte
ne lui viennent pas d'un caractère sacré qu'on lui attribuerait,
mais uniquement de l'action de Dieu à travers elle, par la
puissance du Saint-Esprit, dans le cœur des fidèles.
Lire pour entendre
L'homme, s'il sait lire, peut déchiffrer les signes matériels
de l'Écriture et prendre ainsi connaissance des dires de
Dieu ou du témoignage de ses serviteurs, témoignages
consignés dans cette Écriture.
Toutefois les motivations qui poussent les hommes à entreprendre
cette lecture sont extrêmement diverses : archéologiques,
historiques, littéraires, poétiques, musicologiques,
scientifiques, religieuses ou théologiques.
Quelle que soit cette motivation, il arrive que ce lecteur perçoive,
c'est-à-dire « saisisse à travers... »
cette Écriture, une Parole venant du Seigneur. Il a «
entendu » cette Parole comme si elle lui était personnellement
adressée. Dans la foi, il pourra témoigner qu'à
travers l'Écriture Sainte, Dieu lui a parlé. C'est
là l'expérience personnelle et décisive de
bien des fidèles.
C'est pourquoi, dans la foi, nous pouvons reconnaître que
cette Écriture est inspirée de Dieu. A la limite,
je peux confesser qu'elle est Parole de Dieu pour moi.
Saint Paul écrivant à Timothée lui dit : «
Depuis ton enfance tu sais les Saintes Lettres. Elles peuvent te
rendre sage pour le salut par la foi, celle qui est dans le Christ
Jésus. Toute écriture, inspirée de Dieu, est
utile pour l'enseignement… afin que l'homme de Dieu soit accompli,
équipé pour toute bonne œuvre » (II Timothée
3, 15-17).
Pour « inspirée de Dieu », Paul emploie un mot
composé : théopneuste, formé du nom «
Dieu » et du verbe grec « souffler » dont le dérivé
nominal donne « souffle » ou « esprit ».
Ainsi pour Saint Paul, toute écriture inspirée par
l'Esprit du Seigneur est une écriture « utile pour
la catéchèse ».
Toutefois, il semble possible de préciser ce que Paul entend
par « écriture ».
Dans 1 Timothée 5, 18, il écrit : « L'Écriture
dit en effet : Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain…
et encore : L'ouvrier mérite son salaire… ». Sous
le terme d'Écriture, Paul cite un texte de l'Ancien Testament
: Deutéronome 25, 4 et une phrase mot à mot de l'Évangile
de Luc 10, 7.
Pour lui il y a équivalence entre le texte sacré de
l'Ancien Testament et une parole de Jésus déjà
consignée dans une écriture par des témoins
du Seigneur.
Ainsi pour l'Ancien comme pour le Nouveau Testament en voie de formation,
l'Esprit du Seigneur inspire nécessairement et l'écrivain
biblique et celui qui perçoit la Parole de son Seigneur à
travers cette Écriture.
Quand la Lettre tue
L'Histoire témoigne d'un danger toujours présent
pour les religions du « Livre », Judaïsme, Christianisme
et Islam. Ce danger apparaît dès que la priorité
est donnée à la Lettre et non à l'Esprit.
Nous avons vu que l'équation souvent énoncée
: « l'Écriture Sainte est la Parole de Dieu »
tend à momifier la Parole vivante et à figer la Parabole
du Seigneur dite au Monde.
Or cette équation apparaît à certains comme
très utile. En effet elle permet à l'homme de croire
qu'il dispose objectivement d'une Parole de Dieu dont il peut éventuellement
se servir comme d'un glaive pour confondre ou anéantir celui
qui ne pense pas comme lui.
Certes il est possible de justifier bibliquement cette manière
de se servir de l'Écriture. On se souvient, sans doute avec
horreur, de cette confidence du gaucher Ehud au roi de Moab : «
J'ai une parole de Dieu pour toi ». Et lorsque le roi se penche
vers lui pour écouter cette Parole, Ehud en profite pour
lui enfoncer dans le ventre le glaive à deux tranchants qu'il
s'était forgé tout exprès ! (Juges 3, 15-22).
L'auteur de l'épître aux Hébreux écrit
ceci : « Vivante est la Parole de Dieu, énergique et
plus tranchante que toute épée à deux tranchants.
Elle pénètre jusqu'à diviser être et
souffle, articulations et moelles » (Hébreux 4, 12).
L’auteur de l’épître nous exhorte donc à
nous saisir de l'Épée de l'Esprit qui est la Parole
de Dieu (Éphésiens 6, 7).
Ces textes sont dans la Bible certes, mais on peut se demander comment
des « gens d'Église » ont pu assimiler la Parole
de Dieu qui est Parole de Vie, Parole d'Amour, Parole de Grâce
et d'Espérance, avec leurs dires et leurs dogmes dont ils
ont fait des épées pour semer la mort !
Pourtant, le processus est toujours le même : la Parole Vivante
est figée, moulée dans des affirmations humaines,
tranchantes comme des glaives et présentées comme
étant l'unique Vérité qu'il faut croire. Toute
déviation engendre immédiatement l'intolérance
et son cortège de galères, de bûchers, d'oubliettes
et de Tour de Constance…
Si en dehors de cette « vérité » autoproclamée,
tout est hérésie, errance, erreur et mort, la Parole
de Vie devient alors « lettre de mort », ficelée
qu'elle est dans un dogme ou un droit canon. La Parole d'Amour devient
un « Dire » …qui tue.
« Or, nous dit Saint Paul, Dieu nous a rendus capables d'être
ministres d'une Alliance nouvelle, non de la Lettre mais de l'Esprit,
car la Lettre tue, mais l'Esprit donne la Vie » (II Co 3,
6).
A titre d'exemple nous constatons ceci : en tant que membres du
Corps du Christ, nous reconnaissons que cette Nouvelle Alliance
nous est signifiée de façon privilégiée
dans la Cène du Seigneur.
Et cependant ce signe, qui devrait nous unir et nous lier au Seigneur
de l'Église, nous divise profondément encore aujourd'hui.
Nous croyons tous que Jésus a dit en rompant le pain : «
Ceci est mon corps », et en bénissant la coupe : «
Ceci est mon sang ». Nous croyons qu'il a dit aussi : «
Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez
son sang, vous n'avez pas la Vie en vous-mêmes ».
Mais chacune des confessions chrétiennes entend ces Paroles
de façon différente et croit que son interprétation
est la seule vraie, ce qui place les autres dans l'erreur. Ces mêmes
textes servent à justifier la transsubstantiation de la tradition
romaine, la consubstantiation luthérienne, la présence
réelle mais spirituelle des Réformés et le
simple mémorial du sacrifice du Christ pour d'autres…
En entendant les paroles de Jésus concernant son Corps et
son Sang, au dire de Jean, les disciples furent scandalisés.
C'est pourquoi Jésus leur dit : « C'est l'Esprit qui
vivifie, la chair ne sert à rien. Les mots que je vous ai
dits sont Esprit et Vie », (Jean 6, 53-63).
La chair ne sert à rien, seul l'Esprit communique la Vie
à ceux qui participent au signe donné par Jésus.
Ce qui était signification de La Parole de Vie est devenu
dans l’Histoire de l'Église une Lettre qui a divisé
et mutilé le corps du Sauveur.
Combien de morts au nom de cette Lettre ?
Seul l'Esprit, à travers la Lettre, apporte la Vie à
tous les hommes !
Conclusion : Vers une Écriture nouvelle
Par la voix de ses Prophètes, le Seigneur avait annoncé
la venue d'un jour où il traiterait, avec les hommes, une Alliance
Nouvelle. Il précise : « Voici mon Alliance que je conclurai
avec la Maison d'Israël : Je mettrai ma Loi au fond de leur coeur
et je l'écrirai dans leur cœur. Alors je serai leur Dieu
et eux seront mon Peuple. Ils n'auront plus à s'instruire mutuellement
se disant l'un à l'autre : Ayez la connaissance de Yahvé
! car tous me connaîtront, des plus petits jusqu'aux plus grands
» (Jérémie 31, 33-34).
La venue de Jésus marque pour nous l'accomplissement de cette
promesse.
Elle s'accomplit dans son incarnation, dans son baptême, dans
sa mort, dans sa résurrection et dans le don de son Esprit.
Jésus, pour le fidèle, est le fondement de la Nouvelle
Alliance offerte par Dieu aux hommes.
Or cette Alliance n'est plus gravée sur des Tables de pierre
mais elle s'inscrit dans nos cœurs, au plus profond de nous-mêmes.
Elle ne comporte plus qu'un seul mot : Amour. Amour du Seigneur de
nos vies ; amour du prochain. Un seul mot gravé dans des cœurs
de chair.
Ce sont nos paroles et nos actes qui manifestent au Monde l'authenticité
de cette Écriture Nouvelle (Jean 13, 35).
La Bible, comme Écriture Sainte, n'a donc pas sa fin en elle-même.
Cependant elle demeurera jusqu'à la fin des temps, sans qu'un
seul trait de lettre, sans qu'un seul iota ne passe (Matth. 5, 18).
Car à travers elle, tout homme est appelé à percevoir
l'infinie richesse de l'Amour de Dieu pour lui.
Alors pour lui, cette Écriture Sainte devient Parole de Vie,
et l'Alliance d'amour se grave à jamais dans un cœur de
chair.
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