Ouverture et Actualité
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Angel
Réalisé par François Ozon avec : Romola
Garai, Sam Neil, Michael Fassbender, Lucy Russel. Film France,
UK, Belgique de 2007, durée 2h15, Sélection
officielle Berlinale 2007.
Nous sommes
en 1905, dans une petite ville d’Angleterre. Angel
(Romola Garai), belle et énergique jeune fille, est
la risée de ses camarades car c’est une artiste
imbue d’elle-même et méprisante. Intelligente,
elle a une imagination débordante et connaît
un succès foudroyant dès son premier roman.
Adulée, admirée, elle réalise tous
ses désirs en imposant ses volontés : elle
achète le manoir qui la faisait rêver quand
elle sortait de l’école, elle épouse
Esmé (Michael Fassbender), un noble déchu
joueur et endetté, embauche sa sœur Nora (Lucy
Roussell) comme secrétaire, s'entoure d'animaux,...
Dans ce bonheur factice, Angel oublie la réalité
qui l’entoure mais qui va la rattraper et la détruire.
Adaptation du roman éponyme de l’écrivain
anglais Elisabeth Taylor, il s’agit du premier film
entièrement tourné en anglais par Ozon. Il
met en scène ce mélodrame sur un mode enthousiaste
teinté d’humour en le plaçant dans un
décor flamboyant et en utilisant des costumes chatoyants
tel un clin d’oeil aux films hollywoodiens en technicolor.
Le personnage central lui en donne l’occasion, le snobisme
d’Angel et la négation de ses origines modestes
la poussent à afficher un goût pour le kitsch
et le tape à l’œil. Sa personnalité
exubérante se révèle assez vite névrotique,
elle n’est pas seulement la femme qui veut s’émanciper
mais une manipulatrice snob qui joue de ses atouts pour
la gloire car rien d’autre ne l’intéresse
qu’elle-même. Elle met la main sur Nora et son
éditeur, seule la femme de celui-ci (Charlotte Rampling)
prend ses distances et la considère objectivement.
Mais certaines situations amènent le spectateur à
éprouver de la compassion d’indulgence à
son égard. Si Angel attire l’attention tout
au long du film, Nora n’en occupe pas moins une place
importante. Discrète, elle est la clé de voûte
sur laquelle s’appuient tous les personnages, y compris
Angel, qui ressent quelques tentations saphiques.
Ozon nous fait part de ses réflexions
sur une créatrice livrée (comme lui) à
un succès populaire rapide et évoque l’angoisse
liée à la pérennité de l’art.
Cette histoire pourrait se dérouler à notre
époque et le spectateur se demande si le cinéaste
n’a pas introduit une part de son autoportrait dans
cette réalisation.
Il appartient à chacun d’avoir
son angle de lecture, sa version de l’allégorie
de la célébrité et d’apprécier
cette nouvelle réussite de François Ozon.

Les Témoins
Réalisé par André Téchiné,
avec Michel Blanc (Adrien), Emmanuelle Béart (Sarah),
Sami Bouajila (Mehdi), Julie Depardieu (Julie), Johan Libereau
(Manu)… De 2007, durée : 1h55.
Manu arrive
à Paris et partage une modeste chambre d’hôtel
avec sa soeur Julie. Dans un lieu de drague, il fait connaissance
avec Adrien, un médecin, quinquagénaire et
homosexuel, qui lui fait découvrir le style de vie
de son milieu. Une amitié joyeuse mais chaste se
noue entre eux. Adrien lui présente un jeune couple,
Sarah et Mehdi, aux relations très libres et parents
d’un tout jeune enfant. Deux événements
inattendus bouleversent l’existence de Manu : sa relation
passionnée avec Mehdi et sa contamination par le
virus du sida. Au début des années 80, le
sida est perçu comme une peste moderne, une maladie
honteuse qui bouleverse le tranquille agencement de ces
destins particuliers. Chacun devient acteur et témoin
d'un drame contemporain où ceux qui ne meurent pas
n’en ressortent pas indemnes.
André Téchiné nous montre
des personnages heureux de vivre, tout particulièrement
Manu qui arrive de province et compte bien profiter de la
liberté qui règne dans la capitale. De belles
scènes touchantes représentatives de la soif
de vivre illustre l’insolence de la jeunesse. Ces scènes
sont emblématiques de l’insouciance d’une
jeunesse incapable de pressentir le danger de cette maladie
mortelle qui détruit brutalement la vie de tous ceux
qui y sont confrontés, les malades et leurs entourages.
Par contraste, Adrien assez solitaire, plus réfléchi
du fait de son âge et de son métier, s’interroge
sur le devenir de ceux et de celles qui l’entourent.
La mise en scène est admirable et
les mouvements tantôt fluides tantôt heurtés
de la caméra associés à un montage
approprié des plans séquences, accentuent
l’aspect accidentel des rencontres et la force des
pulsions des personnages. C’est un télescopage
social et culturel qui symbolise les courants de vie des
années 80. Le réalisateur évite l’écueil
du psychodrame et montre simplement, avec tendresse, les
situations difficiles et les relations tendues avec autrui.
Il nous permet de pénétrer avec finesse dans
un drame passionnel ; le spectateur assiste médusé
au subtil jeu de balancier entre la vie et la mort, entre
la fin et le recommencement : « C’est un miracle
de vivre ! ». Aussi talentueuse qu’harmonieuse,
la distribution est dominée par Michel Blanc remarquable.
Un très beau Téchiné,
un chef d’œuvre. 
haut
L’Italien
Réalisé par le Russe Andreï Kravchuk avec Kolya
Spiridonov, Denis Moiseenko, Nikolai Reutov, Olga Shuvalova…
Durée : 1h40.
L’un des
nombreux pensionnaires d’un vétuste orphelinat russe,
Vania, un garçon de 6 ans, refuse de suivre un couple
d’Italiens aisés qui désirent adopter un
enfant. Comme leur choix s’est porté sur lui, Vania
est surnommé l’Italien. Un jour, une femme venue
à l’orphelinat à la recherche de son fils,
en est violemment chassée. Dès lors, Vania s’interroge
: « Et si ma mère venait un jour me chercher ?
». Il décide de la retrouver.
Kravchuk nous présente l’orphelinat,
isolé dans une campagne proche de la frontière
finlandaise, comme figé dans la boue et la neige. Dans
une ambiance austère, il parvient à nous rendre
attachants les personnages tout en dénonçant la
défaillance des adultes souvent impliqués dans
un système mafieux où règnent prostitution
et racket. Le cinéaste, qui a déjà réalisé
un documentaire sur un orphelinat russe, mêle habilement
réalité et fiction ; les enfants sont pour la
plupart des orphelins, ce qui confère au film une authenticité
encore plus poignante.
Dans la seconde partie du film, Vania s’enfuit
de l’orphelinat pour partir à la recherche de sa
mère. Il s’agit d’un véritable parcours
initiatique pour Vania qui se comporte comme un tout jeune héros
dont la détermination inaltérable force l’admiration.
Animé d’un courage indéfectible, il surmonte
les très nombreux obstacles qu’il rencontre car
il est persuadé que « Le printemps arrive bientôt
». En effet, au fur et à mesure que le récit
avance, les difficultés s’aplanissent, le ciel devient
plus clément, plus lumineux, jusqu’au final imprégné
de lumière.
« L’Italien » rappelle les films
néoréalistes italiens et ce n’est sans doute
pas un hasard, si le couple qui souhaite adopter l’enfant
est de nationalité italienne. Kravchuk filme la Russie
post-communiste comme Roberto Rossellini filmait le Berlin détruit
de 1945 dans « Allemagne, Année Zéro ».
La cruauté des orphelins livrés à eux-mêmes,
dénués de repères, est particulièrement
saisissante. La force du film tient à l’interprétation,
notamment celle du tout jeune Kolia Spiridonov, qui incarne
Vania avec une authenticité attachante, et à la
sobriété avec laquelle la réalité
sordide est présentée.
Kravchuk s’inspire d’un fait divers
relatant l’histoire d’un jeune orphelin bien décidé
à retrouver sa mère et d’une situation sociale
qui amène de nombreux enfants à vivre dans la
rue.
« L’Italien » est une oeuvre
sur l’amour, la dignité et le respect de soi. «
Je pense que si une personne agit selon son cœur et des
principes humains, elle sera toujours gagnante dans n’importe
quelle situation » dit Andreï Kravchuk.
Voici un film qui apporte bien plus de satisfaction
que les blockbusters actuels dont parlent tant les médias..

Fragments sur la grâce
Film français (sortie décembre 2006)
de Vincent Dieutre, scénario de Vincent
Dieutre et Laurent Roth. Avec Mathieu Amalric,
Mireille Perrier, Francoise Lebrun, Eva Truffaut,
Cyrille Pernet, Eugène Green. Musique :
Plain-Chant Français des 17ème et
18ème siècles par l'ensemble Organum,
direction Marcel Peres. Durée : 1h41
Film
d’investigation consacré à
Port-Royal et à la doctrine janséniste
avec des incursions dans le Grand siècle,
celui de Pascal et de Racine. J’aborde
ici uniquement l’essentiel mais la densité
des informations justifierait un développement
plus important.
Le réalisateur se met
en quête des événements
et y entraîne le spectateur. Tout d’abord,
il nous montre la vallée de Chevreuse
où fut établie l’abbaye des
femmes, puis l’insalubrité des lieux
contraignit la communauté à s’installer
à Paris en 1625 à l’Hôtel
de Clagny. A cette occasion la direction religieuse
fut confiée à l’abbé
de Saint-Cyran, qui en fit le foyer du Jansénisme.
Ce mouvement religieux, influencé
par la pensée de Saint Augustin, développée
par Cornelius Jansen dans « l'Augustinus
», fit à l'époque l'effet
d'une bombe. La Grâce et la Liberté
furent les premiers sujets de controverse puisque
le Jansénisme s’inspirait des idées
de la Réforme protestante, en particulier
celle de la prédestination selon Calvin.
Se sentant menacés dans leur pouvoir
au sein de la plupart des cours européennes,
les Jésuites furent particulièrement
agressifs à l’égard du Jansénisme.
Les divergences de ces deux tendances du catholicisme
ne se limitèrent pas à cette polémique
mais s’étendirent aux questions
de la foi, de la raison, de l’austérité
morale…
Le mouvement janséniste
attira de grandes figures intellectuelles et
artistiques, l’écrivain Jean Racine,
le philosophe et scientifique Blaise Pascal….
C’en fut trop pour le pouvoir en place
qui n’hésita pas à le décapiter.
Mais ses idées ne disparaîtront
pas et réapparaîtront au siècle
suivant, celui des Lumières et de la
Révolution.
Dieutre traite ici un sujet âpre,
difficile, en variant les angles d’approche,
en alternant paysages et entretiens, le film
se transforme en une aventure historique et
spirituelle. Il juxtapose les entretiens avec
des spécialistes, par exemple avec Philippe
Sellier, professeur émérite à
la Sorbonne, les recherches en bibliothèque,
la lecture dans le langage de l'époque,
le commentaire à la première personne
sur les conséquences politiques, l'architecture
et la musique. Les nombreuses scènes
de lecture, dans une pièce froide et
nue, comme pour marquer le caractère
contraignant de la vie monacale, sont saisissantes.
De plus les comédiens se livrent à
une présentation des textes religieux
dans le Français de l’époque
prononcé scrupuleusement, d’une
façon à la fois personnelle et
incarnée.
Il s’agit d’un film
fascinant qui nécessite une mobilisation
totale de notre attention pour suivre les développements
historiques et théologiques mais la satisfaction
finale n’en est que plus grande. 
Le dernier des fous
Film français de Laurent Achard, avec Julien
Cochelin, Pascal Cervo, Annie Cordy, Fettouma Bouamari,
Jean-Yves Chatelais, Dominique Reymond, de 2006. Durée
1 h 35. Prix Jean Vigo (2006) et prix de la mise en
scène à Locarno (2006).
Ce
sont les vacances. Martin, (Julien Cochelin) jeune
garçon de onze ans, n'a pourtant pas l'air
ravi. L’ambiance est lourde dans la ferme familiale.
Sa mère (Dominique Reymond) ne quitte plus
la chambre au premier étage refusant de voir
quiconque, son frère, (Pascal Cervo) abandonné
par son amant, sombre dans l'alcoolisme et la dépression,
son père (Jean-Yves Chatelais) reste impuissant
face à cette situation tant il est dominé
lui-même par sa propre mère (Annie
Cordy), une femme sèche et autoritaire. Dans
ce chaos, seule l'intendante de la maison, Malika
(Fettouma Bouamari), adoucit les angles et prodigue
un peu d'affection à Martin. Irrémédiablement
aspiré par la névrose ambiante, il
en devient lui aussi une de ses proies.
Laurent Achard transpose dans la
France rurale d'aujourd'hui un récit à
l'origine situé dans la bourgeoisie canadienne
des années 60, « The last of the crazy
people » de Timothy Findley. "Ce qui
m'a plu d'emblée dans le livre de Finley,
c'est qu'il parvient par la simple évocation
d'événements du quotidien à
faire peser une menace sourde sur ses personnages
sans que jamais on ne puisse précisément
la définir", explique-t-il. "C'est
cette faculté à savoir installer un
climat oppressant, presque terrifiant, qui m'a donné
envie d'en faire l'adaptation."
Au centre du film, Martin nous présente
le monde selon son propre point de vue, unique et
plutôt radical. Avec un talent remarquable,
Laurent Achard utilise le mystère qu’inspire
naturellement Julien Cochelin : sa démarche
singulière, maladroite, son regard insistant,
insondable, sa voix intrigante à peine audible.
Le réalisateur place la caméra dans
l’axe du regard de l’enfant qui observe
à travers le trou d’une porte, d’une
trappe de grange, d’une lucarne, le monde fou
des adultes qui n’arrivent pas à régler
leurs différends par le dialogue, dans cette
famille on ne communique pas. Le spectateur est
bouleversé par ce petit homme qui absorbe
comme une éponge tout ce qui se passe et
éprouve un ressentiment qui s’amplifie
au fur et à mesure du déroulement
de l’intrigue. Aucune note de musique, mais
des effets sonores très étudiés
qui induisent une violence pernicieuse, certes absente
de l’image, mais qui n’en est pas moins
traumatisante. Pour Martin, la ferme est une prison,
l’enfer où règnent le rejet (de
sa mère, de sa copine Jacqueline), la peur
(de grandir, de mourir), la frustration (personne
ne l'écoute), la douleur (celle du frère,
muette, celle de la mère, féroce),
la colère (d'être sans arrêt
malmené et trompé) et enfin la haine
déchaînée envers tous ceux qui,
le cœur sec et vide, lui ont fait du mal.
« Le dernier des fous »
est un film exceptionnel, rares sont les œuvres
qui inscrivent à l’écran les
terreurs enfantines avec autant de maîtrise.
Il est éprouvant, dérangeant mais
incontournable pour un cinéphile. 
Daratt, saison sèche
De Mahamat-Saleh Haroun (France –
Belgique – Tchad – Autriche),
avec Ali Bacha Barkaï, Youssouf Djaoro,
Aziza Hisseine…De 2006, durée
: 1h35. Prix spécial du Jury (Venise
2006).
Pour
mettre fin à la guerre civile,
le gouvernement tchadien décide
d’accorder l’amnistie aux
criminels responsables d’exactions.
Dans un pays où le conflit a
débuté en 1965 et a provoqué
la mort de 40000 personnes, les plaies
sont difficiles à cicatriser.
Ne pouvant pas accepter cette amnistie,
un grand-père envoie son petit-fils
Actim, tuer l’assassin de son père,
Nassara, ancien criminel de guerre.
Actim se rend à
N’djamena et ne tarde pas à
trouver Nassara quelle surprise ! Il
s’attendait à être
confronté à un monstre,
le voici face à un vieil homme,
un bienfaiteur à la stature chancelante,
un boulanger de son état, qui
distribue gratuitement du pain aux enfants.
Pour autant, Actim n’oublie
pas sa mission et se fait embaucher
pour l’accomplir dans de bonnes
conditions. Le visage fermé par
la haine et le désir de vengeance,
il parle peu. A plusieurs reprises,
il s’empare du revolver mais n’arrive
pas à passer à l’acte
comme s’il avait peur de commettre
l’irréparable. Nassara lui
apprend le métier de boulanger
et éprouve peu à peu de
l’amitié pour le jeune homme
au point de lui demander de devenir
son fils adoptif. Actim décide
alors de le conduire auprès de
son grand-père…
Très souvent exploité,
le thème de la vengeance associé
à la haine fait l’objet
de nombreux films : « Crossing
Guard » de Sean Penn, dans lequel
un père de famille attend la
sortie de prison de l’homme responsable
de la mort de son fils, « Le Fils
» des frères Dardenne,
où le père se rapproche
peu à peu de l’adolescent
coupable de la mort de son fils…
Conscient de cette universalité,
Haroun réalise son 3ème
long métrage de fiction avec
la volonté d’inscrire son
récit dans le contexte tchadien.
Il traite ce sujet avec beaucoup de
maîtrise en posant la question
du principe de vengeance comme acte
juste, équitable, tout en soulignant
que le pardon vient plus facilement
des jeunes. Il aborde aussi avec beaucoup
de finesse les relations père-fils,
l’injustice, l’impunité,
les ravages de la guerre et la rédemption.
Le cinéaste filme
en gros plan les personnages et poursuit
minutieusement les expressions des visages
et les gestes qui traduisent d’une
manière saisissante les sentiments
de haine, d’hésitation,
de confusion. Peu de paroles et de musique,
il règne souvent un silence de
mort qui suscite de très fortes
émotions. Le tout se déroule
dans un cadre frappé par la sécheresse,
sécheresse climatique, bien sur,
mais aussi aridité symbolique
d’un pays plongé dans le
chaos .
C’est un très
beau film rempli de compassion et porteur
d’espoir. 
haut
Requiem
Film allemand de Hans-Christian Schmid avec Sandra Hüller,
Burghart Klaussner, Imogen Kogge. De 2006, durée
1 h 33.
Ce
film s’inspire d’un fait divers qui s’est
déroulé en Allemagne au début des
années 70. Michaela (Sandra Hüller) vit
avec ses parents et sa sœur dans un village près
de Tübbingen, ville universitaire, où l’Eglise
Catholique détermine le moindre agissement des
paroissiens. Apparemment sans problème, cette
jeune fille est néanmoins sujette à des
troubles assimilés à de l’épilepsie.
A cause de son état de santé, ses parents,
très croyants, veulent la protéger mais
l’étouffent sous un carcan d’interdits.
Le comportement possessif de sa mère, les regards
permanents et inquiets de son père l’obsèdent…
Déchirée entre sa famille, sa foi et la
maladie, Michaela cache ses crises car elle en a honte.
Elle entreprend des études à Tübbingen
et pense pouvoir s’affranchir ainsi des pressions
détestables de sa mère en vivant librement
sa jeunesse. Loin d’une famille conditionnée
par un catholicisme aliénant et dominée
par une mère qui refuse toute forme d'émancipation,
elle découvre la douceur de la vie étudiante,
le rock, l'alcool, l’amitié, l’amour,
l’athéisme. Mais ses crises reviennent plus
intenses sans que nous puissions en déterminer
la cause. S’agit-il d’un problème épileptique,
psychiatrique ou d’un phénomène de
possession ?
Hans-Christian Schmid reste dans l’ambiguïté,
il nous considère comme témoins de terribles
scènes : persuadée d’entendre des
voix, Michaela ne parvient pas à toucher le Christ
en croix accroché au mur de sa chambre, elle
pousse des cris de possédée, se roule
par terre, tremblante… Le changement de vie n’a
rien résolu, tout s’effondre pour la jeune
fille qui décide de rentrer chez elle. C’est
un point de non retour qui marque « sa descente
aux enfers ». Les crises d’hystérie
de révolte et de haine envers sa mère
atteignent leur paroxysme. Elle est prise d’épouvante
lorsqu’elle voit des prêtres ou des symboles
religieux. Elle a recours à une série
de séances d’exorcisme mais elle y perd
la vie.
La mise en scène très sobre
présente le sujet sous un aspect quasi-documentaire.
Requiem est avant tout le portrait d’une époque
et d’un milieu où le « qu’en
dira t’on » règne en maître,
où l’Eglise Catholique impose un mode de
vie reclus et exerce une oppression en guise de ferveur.
Totalement aliénés par leur croyance aveugle,
les parents sont aussi victimes de nombreux préjugés.
La jeune fille porte en elle toute la complexité
de cette situation et affronte différents pouvoirs
: maternel, familial, religieux. Perdue, écrasée,
elle appelle au secours et demande à être
aimée : « Jure moi de ne jamais m’abandonner
» supplie-t-elle son ami. Personne ne la comprend
et personne ne lui apporte ce dont elle a besoin.
Les décors sont minutieusement
choisis pour restituer fidèlement l’événement
dans son époque, le choix musical pertinent n’est
jamais superfétatoire. Tous les comédiens
sont excellents, spécialement Sandra Hüller
dans le rôle de Michaela qui mérite pleinement
l’Ours d’argent de la meilleure actrice au
festival de Berlin 2006.
Requiem est une tragédie d’autant
plus impressionnante qu’elle découle d’un
fait réel et qu’elle appelle à la
réflexion sur des modes de pensée et des
événements de même nature qui existent
encore aujourd’hui : l'étroitesse d'esprit,
la superstition religieuse, le retour de rituels moyenâgeux…
Il s’agit d’une oeuvre intéressante
par les réflexions qu’elle engendre et les
questions qu’elle suscite mais éprouvante
pour les âmes sensibles. 
haut
Cœurs
Film d'Alain Resnais (France), avec André Dussollier,
Isabelle Carré, Lambert Wilson, Laura Morante, Pierre
Arditi, Sabine Azéma, de 2005, durée 2h05. Il
a obtenu le prix de la mise en scène au festival de
Venise 2006.
Ce film
est une adaptation de la pièce « Private Fears
in public places » d’Alan Ayckbourn, un auteur
que le cinéaste a déjà adapté
au cinéma avec « Smoking/No Smoking »,
en 1993.
Les personnages apparaissent comme des individus
ordinaires, peu attrayants, solitaires, enfermés
dans leurs habitudes et leurs appartements plutôt
« kitsch » : un couple morne recherche un logement,
un agent immobilier vit avec sa sœur, un barman dont
le père est malade...
Dès le début, un malaise s’installe.
Le spectateur éprouve l’étrange impression
que le film est mal engagé, il se rassure néanmoins
en pensant à la notoriété du réalisateur.
A juste titre, car les apparences et le trouble s’effacent,
la superficialité des premiers instants s’estompe
progressivement pour faire place à une attente angoissante
sur le devenir des personnages. Peu à peu leur situation
délicate se dessine. Pour le couple rien ne va plus
: Dan (Lambert Wilson), chômeur désabusé
s’enivre, Nicole (Laura Morante) renonce à chercher
un grand appartement, elle décide de partir et de
vivre chichement. Thierry (André Dussolier), l’agent
immobilier, vit avec sa sœur Gaëlle (Isabelle
Carré) qui rêve encore au prince charmant ;
il travaille avec Charlotte (Sabine Azéma), une bigote
au comportement érotique surprenant. Lionel (Pierre
Arditi), le barman, veuf inconsolable, héberge son
vieux père irascible et obsédé sexuel.
Resnais nous dit : « J’ai eu tout
de suite cette vision des sept personnages pris dans une
toile d’araignée, je dirai même que je
la voyais au crépuscule sur une lande bretonne. L’araignée
n’est pas là, elle est partie, mais dès
qu’un insecte bouge, essaye de se dégager, la
toile vibre, et un autre insecte qui n’a rien à
voir avec le premier en est affecté... » Il
filme ainsi le ballet nostalgique de ces êtres au
cœur lourd, avec une élégance et un raffinement
qui nous sidèrent. Chaque plan est construit comme
un tableau au centre duquel une pauvre condition humaine
se débat. La neige omniprésente crée
une atmosphère feutrée, les bruits de pas,
les voix sont atténués… Le spectateur
s’abstient de rire des situations cocasses de peur
d’avoir ensuite à en pleurer.
Resnais nous amène ainsi progressivement
au cœur de son sujet : la solitude, l’isolement,
le regard de l’autre, l’angoisse de la disparition
et de la mort, il ne faut jamais renoncer à améliorer
les choses, à rencontrer l’amour, l’existence
vaut la peine d’être vécue.
« Cœurs » est vraiment un
très beau film ! 
haut
Babel
Film de 2006 réalisé par le mexicain Alejandro González
Iñárritu avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Koji Yakusho
et Gael García Bernal. Durée : 2 h 23.
Babel
a reçu le Prix de la mise en scène et le Prix
du Jury Œcuménique au 59ème Festival de Cannes.
Quatre histoires se déroulent dans des
pays différents : les Etats-Unis, le Maroc, le Mexique,
le Japon et la Tunisie. Un simple coup de fusil tiré
par deux jeunes provoque des événements dramatiques
et bouleverse plusieurs vies : celle d’un couple américain
(Brad Pitt et Cate Blanchett) en voyage pour rétablir
leurs liens conjugaux, d’une gouvernante mexicaine (Adriana
Barraza), qui conduit les enfants américains dont elle
a la charge au mariage de son fils au Mexique, d’une jeune
fille japonaise sourde-muette en situation de grande souffrance
morale. Des liens ténus se tissent peu à peu entre
ces quatre récits qui finiront par s’assembler avec
l’intervention de nombreux personnages aux prises avec
de multiples péripéties.
L’entrecroisement de ces destinées,
très éloignées les unes des autres, pourrait
faire apparaître le film comme une illustration de la
théorie « du battement de l’aile du papillon
» : une action localisée a des conséquences
mondiales importantes. Cependant, une connaissance élémentaire
de la culture chrétienne nous amène à constater
que cette théorie n’est pas le véritable
thème du film. Par le titre, le réalisateur annonce
d’entrée de jeu que la relation entre la mosaïque
des récits et le mythe biblique constitue le fondement
même de son œuvre : « Allons descendons et
là confondons leur langage afin qu’ils n’entendent
plus la langue les uns des autres . Et l’Eternel les dispersa
sur la face de toute la terre… » (Genèse 11,
7 et 8).
Jouant à la fois sur les images, les discours
et les sons, Iñárritu met en évidence le
fractionnement du monde actuel. Si la transmission de l’information
n’est plus tributaire de la distance, puisque la communication
est maintenant quasi immédiate entre deux points très
éloignés du globe, elle reste difficile voire
impossible entre des proches. Ainsi l’annonce de l’assassinat
d’une américaine par des terroristes provoque l’abandon
de cette dernière par le groupe de touristes auquel elle
appartient. La communication est absente tout autant des espaces
« vides », désertés par les hommes,
que des lieux où règne la suractivité.
Plus que d’incommunicabilité il s’agit de surdité
au monde et aux autres. Comment ne pas être étonné
par l’analyse de certains critiques à Cannes qui
ont estimé que les séquences relatives à
la jeune sourde-muette « est une pièce rapportée
inutile au film» alors qu’elle en constitue la métaphore
centrale !...
A ce thème central s’ajoutent des
réflexions sous-jacentes tels les préjugés
culturels et raciaux, le pouvoir de l’argent, la manipulation…
Comme à son habitude, le réalisateur
ne s’en tient pas à un seul fil narratif mais au
contraire, il déstructure son œuvre pour être
en symbiose avec l’aspect chaotique du monde. Le prix de
la mise en scène est hautement mérité,
et les interprétations de Brad Pitt et de Gael Garcia
Bernal sont poignantes et remarquables.
C’est un très beau film hélas
bien pessimiste sur le destin des hommes incapables d’aller
au-delà d’eux-mêmes et dont l’état
d’esprit constitue les barreaux de leur propre prison.
Après BABEL, qui termine sa trilogie à
la suite de « Amours Chiennes » et de « 21
grammes », espérons qu’ Iñárritu
réalisera une œuvre qui nous ouvrira des perspectives
humaines plus optimistes. 
haut
"Les Fils de l'homme"
Film (UK/USA) de 2006 réalisé par le mexicain Alfonso
Cuaron, avec Clive Owen, Julianne Moore, Michael Caine, Claire-Hope
; durée 1 h 50.
Nous sommes en
2027, non seulement l'homme a épuisé toutes les ressources
de la planète mais il est devenu stérile : aucune
naissance n'est survenue depuis 18 ans. Le désespoir a envahi
le monde où règnent la violence, l'anarchie et le
nihilisme. Seule, la Grande Bretagne a évité cette
descente aux enfers grâce à un régime totalitaire.
Elle attire des milliers de réfugiés et les parquent
dans des camps.
Théo, qui a perdu son fils lors d'une épidémie
planétaire, se laisse aller et vit entre hallucination et
ivresse. Julian, clandestine d'un mouvement terroriste important,
l'oblige à aider Kee, une jeune immigrante, enceinte. Cette
dernière représente l'unique espoir du genre humain
mais elle a des ennemis…
Cinéaste mexicain, pour le moins éclectique,
Cuaron a produit des films aussi différents que « Y
tu mama tambien », film touchant sur une « virée
» entre ados et « Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban»,
le meilleur de la série. En s'inspirant du livre éponyme
de PD James, il réalise ici un film d'anticipation et nous
plonge avec brutalité dans une société nihiliste
où le terrorisme s'impose au quotidien. Pas de technologie
sophistiquée dans ce monde, seulement des écrans numériques,
mais une publicité omniprésence, la pilule Quietus
qui permet le suicide en douceur à ceux qui ne peuvent pas
vivre sans espoir, des injonctions « Ne pas faire de tests
de fertilité est un crime », des actualités
alarmantes relatent les combats, les explosions des bombes …
Dans ce monde apocalyptique évolue Théo,
un anti-héros, joué par le charismatique Clive Owen.
Entraîné contre son gré dans l'aventure, c'est
un homme usé, déprimé, alcoolique, sarcastique
qui pourtant suscite la compassion. Jasper, son vieil ami, un ex-hippie
touchant, réfugié dans les bois, se sacrifie pour
lui sauver la vie. Les animaux (chats, chiens, moutons, vaches)
pullulent et semblent narguer l'homme en affichant une grande vitalité.
Cuaron tourne presque tout le film en plans séquences
pour garder un souffle, un rythme accéléré.
La caméra à l'épaule du talentueux Lubezki
suit la fuite de Théo et de sa protégée tel
un reportage sur le terrain. Les images évoquent, avec une
force singulière, les scènes de guerre d'une violence
insoutenable banalisée par la télévision. Le
malaise du spectateur est d'autant plus grand qu'il voit ce futur
comme l'issue probable des problèmes actuels : terrorisme,
mouvements migratoires incontrôlables, régime totalitaire
qui maintient l'ordre. Le réalisateur parvient à rendre
la campagne anglaise terrifiante en accentuant la grisaille de l'hiver.
Une musique nostalgique et poignante complète cette ambiance
lugubre.
Toutefois, le réalisateur introduit quelques
éclairs de félicité dans ce climat cauchemardesque
: la lumière troue brièvement le voile opaque et terne
qui englobe tout, des animaux alertes traversent le cadre, l'armée
se sépare en deux, comme la Mer rouge devant Moïse,
pour laisser passer l'enfant du miracle avant de reprendre le combat,
telle une parenthèse qui s'ouvre et se referme…
C'est un grand film d'action qui s'inscrit dans une
politique fiction relative au futur de notre humanité. Cuaron
ne nous laisse cependant pas sans espoir puisqu'il s'appuie sur
des mythes fondateurs en les détournant : naissance d'un
« Jésus fille » noire, Moïse sauvé
des eaux. Il essaie de donner un souffle biblique qui touche discrètement
à la grâce.
Cette œuvre intéressante mais éprouvante
sur le devenir de l'humanité ne laisse pas indemne le spectateur.

Indigènes
Film français, marocain, algérien et belge réalisé
par Rachid Bouchareb, avec Jamel Debbouze, Sami Bouajila, Roschdy
Zem, Samy Naceri, Bernard Blancan. Durée : 2h08.
Il m'est apparu
d'autant plus nécessaire de parler de ce film, dont le thème
nous concerne tous, qu'une importante campagne médiatique
bat son plein depuis sa sortie sur les écrans.
Rappelons qu'en 1944-1945, après la campagne
d'Italie, la libération de la Provence, des Alpes, de la
vallée du Rhône, des Vosges et de l'Alsace a participé
pour une large part à la victoire des Alliés et a
permis à la France de se trouver dans le camp des vainqueurs
lors de la signature de l'Armistice. Cette libération a été
le fait de la 1ère Armée française, formée
en Afrique loin de la surveillance des commissaires Allemands et
des fonctionnaires de Vichy. Elle comptait 200 000 hommes constitués
de 130 000 "indigènes" soit 110 000 Maghrébins
et 20 000 Africains, ainsi que 50 000 pieds-noirs et 20 000 jeunes
résistants de la métropole ayant fui l'occupation.
Le film nous conte l'histoire oubliée des
"indigènes" et tout particulièrement l'épopée
de quatre Maghrébins qui font preuve d'endurance, de courage
et d'un sens inné du terrain. Chacun d'eux poursuit un objectif
pendant cette difficile traversée de la France.
Le spectateur est placé devant des scènes
de guerre présentées grandeur nature et aussi réelles
que possible par Bouchareb. Tous les moyens techniques sont utilisés
: crépitement des mitrailleuses, explosion des grenades,
intervention des chars, écroulement des victimes… La
mise en scène est trépidante pour transcrire la férocité
des combats mais délicate quand il s'agit de susciter des
émotions comme, par exemple, lorsque nos héros sont
en danger de mort ou bien victimes d'injustice et de brimades. Si
quelquefois le réalisme des scènes est discutable,
les personnages un peu stéréotypés et pas toujours
convaincants, le réalisateur se rattrape par un discours
sincère, humaniste et courageux.
Rachid Bouchareb ne réalise pas une reconstitution
historique, il nous invite à penser à tous ceux qui
se sont battus pour la France mais n'ont eu, ni les mêmes
droits que les soldats originaires de la métropole, ni la
reconnaissance méritée. Il manifeste ici un besoin
de vérité et de justice car, même s'il n'évoque
pas directement la question, le montant dérisoire des pensions
versées à ces anciens combattants « indigènes
lui parait, à juste titre, particulièrement inique.
Il restitue également l'ambiguïté
des personnages déchirés entre leur identité
nord-africaine et la nécessité de faire état
d'une nationalité strictement française.
Que cela soit voulu ou non, le film « Indigènes
» arrive à point nommé, à un moment où
les minorités ethniques revendiquent une place dans notre
société et où le racisme toujours présent
rend compte des difficultés d'une nation qui ne parvient
pas à intégrer ses immigrés, ni à les
faire adhérer à son concept de république laïque.
C'est dans ce contexte tourmenté, que la France se penche
sur son passé colonial et débat de discrimination
positive et d'immigration choisie.
« Indigènes » est un film à
voir, davantage pour les messages d'actualité qu'il véhicule
et suggère que pour son aspect cinématographique ;
il traite d'un sujet brûlant d'actualité et ne peut
pas laisser indifférents les chrétiens que nous sommes.

haut
Dunia
Un film de Jocelyn Saab Avec : Hanan Turk, Mohamed Mounir, Mohamed Mounir.
Egypte, 2005 France 2006, 110 mn.
Étudiante
en poésie soufie et en danse orientale au Caire, la jeune Dunia
veut devenir danseuse professionnelle à l'instar de sa mère
disparue. Au cours d'une audition, elle rencontre le Dr. Benshir,
illustre homme de lettres. Son amoureux fait pression sur elle pour
l'épouser et elle finit par accepter mais la tradition a détruit
sa capacité au plaisir. Elle ne connaîtra cette sensation
qu'après avoir découvert avec le Dr. Benshir le plaisir
des sens tissé lui-même dans le plaisir des mots.
Jocelyn Saab construit son film autour d'une question
très importante: comment une femme enfermée dans les
traditions peut-elle analyser et comprendre le sentiment amoureux
et ressentir un corps qu'elle dit ne "jamais avoir vu" et
qui est amputé de sa partie la plus intime ?
Partant de cette interrogation, la réalisatrice
s'appuie habilement sur les forces et les charmes de la culture égyptienne
(la poésie soufie, la littérature, la musique et surtout
la danse) et fait preuve d'une grande sensibilité pour capter
la beauté qui en émane tout en suggérant les
conséquences de certaines pratiques traditionnelles sans les
réduire à de simples clichés (excision, condition
des femmes…). Elle ne s'oppose pas frontalement à ces
pratiques par des discours moralisateurs qui pourraient choquer les
peuples concernés et n'a pas non plus recours au pathos exacerbé
ou larmoyant à l'instar des occidentaux plutôt condescendants
sur ce type de sujets.
Le film nous convie à un spectacle pudique où
se mêlent danse, poésie, chant au cours duquel Dunia
réussit l'éducation de ses sens atrophiés dès
le plus jeune âge et découvre des sensations qu'elle
ne pouvait imaginer. L'esthétisme très réussi
des plans-séquences aux tons flamboyants donne un spectacle
fait de grâce et de dynamisme sans jamais atténuer la
gravité du sujet traité.
Dunia, qui veut dire « univers », s'inscrit
dans l'action des cinéastes qui défendent les femmes
en quête d'affirmation, comme c'est le cas de « Satin
rouge » de Raja Amari ou « Fatma » de Khaled Ghorbal.
Réalisé dans un pays où « les Mille et
une Nuits » EST interdit pour érotisme, ce film en apparence
inoffensif se révèle porteur d'un message « subversif
» qui s'inscrit durablement dans les esprits. Pour les occidentaux,
c'est une subtile introduction à la compréhension d'une
culture terriblement réduite par les médias. Le film
a été sélectionné au Festival des Films
du Monde à Montréal, au Sundance Film Festival, au Festival
des Films de Fribourg.
C'est une réussite qui mérite une attention
toute particulière. 
haut
Je vais bien, ne t'en fais pas.
Réalisé par Philippe Lioret, avec Mélanie Laurent,
Kad Merad, Julien Boisselier, Isabelle Renauld, Aïssa Maïga,
Simon Buret. Durée : 1h40.
Ce film est tiré
du roman éponyme d'Olivier Adam, également coauteur
du scénario.
Lili (Mélanie Laurent), jeune fille épanouie
et rayonnante, revient d'Espagne. A son arrivée, ses parents
(Kad Merad et Isabelle Renaud) lui apprennent la disparition de son
frère jumeau, Loïc, suite, selon eux, à une violente
dispute avec leur père. Elle tente, mais en vain, de joindre
son frère. Elle s'inquiète car ce n'est pas dans les
habitudes du jeune homme de la laisser sans nouvelles. Après
quelques semaines, elle est persuadée qu'il lui est arrivé
quelque chose et cherche à savoir ce que lui cachent ses parents.
Touchée au plus profond d'elle-même, elle sombre dans
la mélancolie au point de se laisser dépérir
et d'être internée dans un hôpital psychiatrique.
Un jour elle reçoit une lettre de Loïc…
Lioret aborde une problématique émanant
de la structure familiale : les difficultés à communiquer,
l'incapacité à manifester son affection, par pudeur,
timidité ou parfois même par manque de générosité.
Il met en scène des personnages qui, emmurés dans les
non-dits et la douleur, pourraient être nos parents, nos frères,
nos sœurs. Il tient le spectateur en haleine avec une dimension
et une authenticité inattendues.
Le cinéma de Lioret illustre son sens aigu de
l'observation du comportement de ses semblables (« Tenue correcte
exigée » en 1997, « L'équipier »en
2001, « Mademoiselle » en 2004). En filmant les personnages
au plus près, avec une très grande précision
de mise en scène, c'est la vérité de la vie,
de notre vie, qui survient et nous bouleverse. Le spectateur est dans
l'attente d'une révélation qui sera finalement moins
surprenante que les péripéties qu'il a suivies et en
quelque sorte subies.
Mélanie Laurent, que nous avons remarquée
dans « Le Dernier jour » puis dans « De battre mon
cœur s'est arrêté », incarne avec force une
Lili accablée par la souffrance ou rayonnante de bonheur. Kad
est surprenant dans un rôle de composition aux antipodes de
sa personnalité: renfermé et habillé de l'uniforme
« costume cravate ». Il interprète avec une vérité
saisissante un homme simple à qui le destin fait endosser une
responsabilité exceptionnelle.
Un très beau film qui donne toute l'immensité
incommensurable de l'amour que peuvent éprouver des parents
envers leurs enfants. 
haut
La rentrée du cinéphile
Nausicaa de la vallée du vent, Réalisé par Hayao
Miyazaki, Japon, 1984 - 2006, durée 116 mn.
Les vacances sont
terminées et pour beaucoup le rythme habituel de la vie reprend.
Cet été, la canicule vous a peut-être incité
à profiter des salles de cinéma pour trouver la fraîcheur
et voir quelques uns des rares films intéressants qui passent
encore, par exemple:
-
Vol 93, tragédie
humaine imaginée dans un des avions kamikazes du 11 septembre.
Film quasi documentaire éprouvant de Peter Geengrass qui
nous avait déjà surpris avec Bloody Sunday,
-
Mon nom est Tsotsi
(voyou) de Gavin Hood, un jeune à la dérive dans
la banlieue de Johannesburg va « renaître »
grâce à un bébé,
-
La raison du plus faible
de Lucas Delvaux sur l'engrenage social de la misère,
-
Le vent se lève
de Ken Loach qui excelle dans la retranscription de la guerre
d'Irlande (mais qui idéalise un peu trop).
Pour
une rentrée cinématographique plus en douceur, je
vous propose un film d'animation de Hayao Miyazaki : Nausicaä
de la vallée du vent. Le thème est relatif
au devenir de notre planète. C'est très sérieux
mais je pense que la forme avec laquelle il est traité vous
permettra de ne pas puiser dans votre potentiel sérénité
nécessaire à affronter les immanquables vicissitudes
de la vie.
La réalisation de ce film sorti en 1984 au Japon mais seulement
maintenant en France, est l'objet d'une longue histoire. Au début
des années 80, la pollution de la Baie de Minamata amène
Miyazaki à faire une œuvre environnementale en y associant
des éléments d'un conte traditionnel qu'il affectionnait
étant enfant ("La princesse qui aimait les insectes")
et son aversion de la guerre et des superpuissances. Plus tard,
il résume Nausicaä de la vallée
du vent ainsi : "Il n'y a jamais eu une oeuvre d'art
qui n'a pas reflété de quelque manière son
époque... Nausicaä vient de la façon nouvelle
dont on regardait la nature dans les années 70". Son
1er dessin animé ayant été un échec,
les producteurs rejettent son projet de film. Faute de travail,
il se lance dans la réalisation de la bande dessinée
de « Nausicaä » sur laquelle il travaille pendant
13 ans (7 volumes, éditions Glénat). Entre temps un
puissant éditeur le soutient ce qui va lui permettre de s'interrompre
pour réaliser ses mangas qui ont tous connu un immense succès.
Après Nausicaä de la vallée
du vent (1984), il réalise Laputa
- Le Château dans le ciel (1986), Mon
voisin Totoro (1988), Kiki la petite
sorcière (1989), Porco Rosso
(1992), Princesse Mononoké (1997),
Le Voyage de Chihiro (2001), Le
Château ambulant (2004). Suite à des problèmes
de distribution, Nausicaä ne nous
parvient que maintenant ; c'est assez regrettable sur le plan chronologique
car Miyazaki déclinera ses films à partir de cette
oeuvre.
Le contexte du film nous est rapidement exposé dans le
superbe générique où le feu se mêle à
des ombres menaçantes et des dessins primitifs. Nous sommes
dans un monde du futur où la terre a été ravagée
en sept jours d'apocalypse par de gigantesques robots. Elle est
alors devenue stérile, peuplée d'insectes mutants
géants et couverte d'une forêt de plantes empoisonnées
dont l'air vénéneux s'étend à mesure
que ses spores se répandent dans l'atmosphère : c'est
la Mer de la corruption. Seuls quelques groupes d'humains isolés
les uns des autres survivent en essayant de se protéger.
Nausicaä est la princesse d'un petit royaume vivant dans une
vallée verdoyante et paisible préservée de
la pollution et battue par les vents. Malheureusement la guerre
oppose certaines communautés…Nausicaä va y mettre
fin au péril de sa vie… C'est un personnage attachant,
généreux et combatif. Elle est l'héroïne
qui vient à bout de l'ennemi non par la force mais par la
compréhension afin que celui-ci accepte de lui-même
à vivre en harmonie avec les autres et la terre.
Le spectateur est pris entre la beauté éblouissante
de la faune et la flore et la violence meurtrière. Mais il
y a aussi l'ambivalence de cet écosystème où
la nature tue mais aussi protège. La Mer de la Corruption
empoisonne ceux qui s'y aventurent mais garantit également
la pureté de l'air qui l'entoure. Le réalisateur ne
s'arrête pas à une réflexion purement écologique,
il s'interroge sur la nature profonde de l'homme qui, à l'instar
de l'environnement, est à la fois créateur et destructeur.
Ce film est une allégorie qui transporte le spectateur
dans un voyage initiatique à travers le monde en perdition.
L'issue est christique et Miyazaki nous livre son propos messianique
de façon à la fois simple et élaborée
dans un cadre somptueux. C'est une merveille dans le fond et la
forme.
Ne manquez pas ce chef d'œuvre qui vous permettra de faire
une bonne rentrée cinématographique, C'est aussi un
film pour enfants dont la lecture, évidemment différente
pour eux, sera très édifiante. 
Nos jours heureux
Réalisé par Eric Toledano, Olivier
Nakache, avec Jean-Paul Rouve, Marilou Berry,
Omar Sy de 2006, durée 1h 43.
Quittons
le premier semestre 2006 dans la joie et
la bonne humeur, allons voir un film léger
(une fois n’est pas coutume) et mettons
nous dans l’ambiance des vacances,
plus précisément des colonies
de vacances.
Nous suivons avec un intense
plaisir la vie d’un groupe. Nous retrouvons
les errements qui caractérisent la
jeunesse. C’est une « rigolade
» permanente faite de situations complexes
et incongrues que la vie en communauté
apporte chaque jour.
Les enfants sont vraiment
insupportables, les « monos »
tout sauf responsables, mais ce petit monde
apprend à se gérer. Le film
montre, sans jamais se prendre au sérieux,
une école de la vie ou enfants et
adultes apprennent ensemble ce que sont
les difficultés relationnelles. Comment
répondre avec un sourire à
toutes les urgences ? Comment le groupe
peut-il venir au secours d’un être
isolé, envahi par la mélancolie
et la peur ? Les spectateurs chrétiens
vont remarquer tout particulièrement
cette monitrice « coincée »
qui chante le cantique 601 (Trouver dans
ma vie ta présence) pour distraire
le groupe au cours d’un voyage en car
! Elle finit par se libérer au point
d’utiliser un langage cru que personne
n’égale.
En résumé on
s’amuse à la colo, on fait ce
qui plait, les temps forts se succèdent
en permanence, seul le présent compte.
Ainsi s’écoulent les jours heureux
! Les gens qui ont fait des colos savent
que c’est « l’après
» le plus difficile…
Toledano et Nakache se sont
connus au gré des colonies de vacances
où ils furent animateurs puis directeurs,
nous livrent ici une œuvre amusante
qui a aussi une réelle valeur documentaire.
Les acteurs sont excellents, en particulier
Jean-Paul Rouve et Marilou Berry.
Si vous souhaitez passer
un excellent moment de détente, allez
voir ce film et n’oubliez pas les enfants
! 
A toutes
et à tous, je souhaite de bonnes
vacances et à la rentrée !
Pierre Nambot
haut
Bled number one
Réalisé par Rabah Ameur-Zaïme
(France – Algérie) avec Meriem Serbah,
Abel Jafri, Rabah Ameur-Zaïmeche, Ramzi
Bedia…DE 2006, durée : 1h40.
À
peine sorti de prison, Kamel est expulsé
de France vers son pays d’origine, l’Algérie.
Il revient au bled et se trouve confronté
aux réalités de son pays qui
est tiraillé entre un désir
de modernité et le poids des traditions.
Kamel, interprété
par le réalisateur Rabah Ameur-Zaïmeche,
est silencieux et se met en retrait d’une
vie qui lui est presque inconnue. Il découvre
les rites religieux et festifs ancestraux,
se trouve face aux principes d’une société
patriarcale mais aussi, malheureusement, aux
exactions des bandes armées intégristes.
Se sentir comme un étranger en Algérie,
connaître de manière impromptue
les joies d’une fraternité chaleureuse
puis les peines d’une violence exacerbée
et inégalitaire lui met les nerfs à
fleur de peau. Kamel est désorienté
mais il n’est pas seul. Il rencontre
Louisa qui a fui le domicile conjugal avec
son fils, chassée par sa mère,
battue par son frère pour avoir humilié
et déshonoré la famille.
Le réalisateur a tourné
ce film dans le village où il est né
et où habite encore une partie de sa
famille issue d'une tribu berbère.
Dans la première partie, il satisfait
pleinement le spectateur curieux qui vit le
charme de l’ambiance du bled: musique,
accolades, thé pris sur la terrasse…
Ensuite le film bascule dans une fiction décevante
car déjà vue et mieux traitée
par d’autres cinéastes, par exemple
l’idée du barrage filtrant a été
autrement mieux exploitée par Suleiman
dans Intervention divine. Cette volonté
de nous faire partager un quotidien aurait
pu prendre une ampleur différente car
l’histoire manque de profondeur.
Néanmoins Rabah Ameur-Zaïme
a le mérite de nous montrer avec beaucoup
de sensibilité et peu de moyens, cette
fatalité de l'exil et la responsabilité
pesante du monde sur des individus seuls et
démunis. 
Pierre Nambot
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